Dans sa brève présentation de Top Hat, paru en 2011 aux éditions Montparnasse, Serge Bromberg ne tarit pas d’éloges sur le film de Mark Sandrich. Après avoir visionné le Danseur du dessus - Top Hat s’est traduit comme ça pour le public français - comme il me fut difficile de ne pas lui donner raison !
Certes, on pourra toujours tiquer sur la minceur de l’intrigue, les péripéties amoureuses de Jerry Travers - un show-man que vient d’engager le producteur Horace Hardwick pour l’un de ses spectacles - y prennent en effet toute la place. Et même dire d’elle qu’elle est franchement tirée par les cheveux, Dale Tremont, cette jeune femme que notre bonhomme tente de conquérir, n’arrivant décidément pas à éclaircir ce malentendu qui lui fait confondre Jerry et Horace, ce qui l’empêche, parce qu’elle sait ce dernier marié à sa meilleure amie, d’accepter les avances de son soupirant. Et enfin, à la trouver totalement cousue de fil blanc, du genre plus blanc que blanc même puique son dénouement heureux est prévisible bien avant que celui-ci ne se produise.
Ceci étant dit, s’attarder sur ce qui apparaît dans Top Hat, comme une insuffisance, c’est faire un bien mauvais procès à Mark Sandrich et à son quintet de collaborateurs. Car si effectivement l'intrigue principale du scénario n’est guère inventive - soit dit en passant, celui d’un Américain à Paris, mètre-étalon du genre pourtant et écrit quinze ans plus tard, ne l‘est guère plus !- on peut toutefois s'en régaler, d'une part, parce qu'elle est drôle et même infiniment drôle, son lot de comédiens, véritables trognes du muet pour certains, n’hésitant pas, pour renforcer l’effet comique d’une scène, à piocher la grimace qui convainc ou le regard en coin qui convient dans l’arsenal d’un cinéma qui n‘avait alors pas besoin de causer pour se faire comprendre. Et de l'autre, parce que les personnages de Top Hat ne sont pas que des prétextes pour qu’une paire de danseurs géniaux puissent enchaîner ce pourquoi ils figurent à son casting. En effet, d’Edward Everett Horton, qui endosse le rôle d’un homme tout puissant mais qu’un rien peut déstabiliser, à Helen Broderick, qui jouent ce genre de femmes qui finalement ne sont pas aussi libres qu’elles le prétendent, en passant par Eric Blore, qui interprète, ici, un valet pas si bête et si intime avec son patron qu’on ne sait plus qui commande qui et Erik Rhodes - l’extraordinario Alberto Beddini ! - dont la philosophie de vie, à se résumer à cette seule maxime : « Pour les femmes, le baiser et pour les hommes, l’épée » fait de lui le pitoyable macho de service, on y trouve une galerie de portraits de personnages qu'on pourrait fort bien croiser dans la rue.
Enfin, parce que Top Hat, c’est aussi la classe de Fred, de ce danseur qui n’avait pas besoin d’une carrure d’athlète pour séduire ou d’une musculature de gymnaste pour s’envoyer dans les airs, et la grâce de Ginger, si belle et si aérienne et si, et si … qu’on se demande bien pourquoi son compagnon de danse d'alors avait ressenti un jour le besoin d’aller voir ailleurs. « Heaven, I'm in heaven », chantait-il, pourtant, une joue collée à la sienne, mieux, une joue comme inséparable de la sienne ...
Spykid 150919