Le Début
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Le Début

Film de Gleb Panfilov (1970)

Pucelle des villes et pucelle d'Orléans

Un parallèle entre une fille du peuple dans l'URSS du milieu du 20ème siècle et la figure de Jeanne d'Arc cinq siècles plus tôt, on n'en voit pas tous les jours.


La relation mouvementée entre la protagoniste, une actrice de théâtre qui sera repérée par un réalisateur lors d'une représentation, et l'homme marié qu'elle rencontre lors d'un bal est filmée d'une manière étonnante pour un cinéaste catalogué (volontairement ou involontairement, là n'est pas la question) "soviétique". Sans vraiment connaître Gleb Panfilov, on serait tenté de l'affilier à une sorte de nouvelle vague revue sous l'influence de l'URSS. Inna Tchourikova incarne une ouvrière, une fille du peuple comme elle se définit elle-même, mais ces aspects-là sont vite rattrapés par sa personnalité, sa timidité, sa passion pour le théâtre et l'émergence d'une vocation artistique. Lors d'une séquence de danse, elle nous adresse un regard caméra aussi fugace que chargé de sens : c'est le début d'une émancipation.


Et pour cause : la fibre artistique qui l'habite la fera passer du rôle ingrat de la sorcière Baba Yaga au théâtre à celui de Jeanne d'Arc au cinéma. C'est la naissance d'une actrice et d'une individualité. "Le Début" entretient tout au long du film un parallèle entre quelques épisodes de la vie du personnage historique (Jeanne d'Arc est considérée comme une héroïne du peuple en URSS, semble-t-il, loin des considérations nationalistes propres à sa patrie) et celle de la jeune travailleuse. Un parallèle entre le film et le film dans le film qui laisse une frontière trouble : "Le Début" commence et finit sur des images de (du film sur) Jeanne d'Arc, une confession et un bûcher. Les épisodes de la vie des deux personnages s'entrecoupent mutuellement, et illustrent de manière conjointe une femme qui s'affirme et qui souffre : lors de l'introduction, on est un certain temps dans le doute quant au véritable personnage principal. Le sujet du film se précise ensuite peu à peu, et à l'humiliation de Jeanne d'Arc par l'Église répondra l'humiliation de Inna Churikova au bal. Toutes les deux se relèveront — momentanément au moins, pour l'une d'entre elles.


Dans l'URSS des années 60/70, une telle figure d'émancipation et de telles répliques ("votre pouvoir ne prendra jamais possession de mon âme" ou encore "j'avouerai plus tard que mes aveux ont été obtenus sous la torture", citations du film dans le film, donc) contiennent un potentiel critique, voire subversif, que l'on peut difficilement négliger.


[AB #187]

Créée

le 8 janv. 2017

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Morrinson

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