À quelque chose Mahler est bon
Quatre ans après Angèle et Tony, un premier film qui nous avait laissé de bons souvenirs, Alix Delaporte revient avec un nouveau long-métrage qui, en quittant la Bretagne pour se poser dans le Languedoc montpelliérain, ne perd rien de la délicatesse avec laquelle elle regarde ses personnages. Si la réalisatrice travaille derechef avec Clotilde Hesme et Grégory Gadebois, elle articule son récit autour de Victor (le jeune Romain Paul de tous les plans éclabousse l’écran d’une présence intense, avare de mots et de sourires), les deux comédiens adultes pour accompagner la partition parfaitement jouée. De partition, il est en effet question puisque le père de Victor qu’il voit pour la première fois à 13 ans est un chef d’orchestre venu diriger la sixième symphonie de Gustav Mahler à l’Opéra de la ville. Pour l’adolescent élevé dans des conditions précaires par une mère malade, passionné de foot, l’univers de la musique classique est un monde inconnu et étrange qu’il pénètre et qui va en échange influer sur ces moments de charnière qu’il est en train de vivre (sélection éventuelle pour un centre de formation sportive, premiers émois amoureux avec Luna, la voisine espagnole, relations complexes, quoique de nature différente, avec la mère désemparée et le père préoccupé par les répétitions).
Parce qu’il est baigné de la lumière du Sud et du bord de mer, qu’il évite tout pathos et suit constamment Victor, adolescent au regard perçant qui ne cille jamais, plus triste qu’en colère ou révolté, Le dernier coup de marteau se révèle un film tout à fait touchant et délicat. Il puise aussi son originalité à placer Victor à l’intersection de deux mondes, de deux âges (son copain Miguel encore un enfant et les adultes dont il ne perçoit pas toujours la signification des agissements). Alix Delaporte parvient au final à instiller sa personnalité dans ce parcours initiatique constitué d’éléments présentés comme les pièces d’un puzzle qui se met en place devant nous.