Elle est atteinte d'une maladie grave qui lui fait porter une perruque au quotidien. Une contrainte qui va de paire avec les coups de fatigue, le regard vague et la perte chronique de responsabilités envers son fils qui prend de plus en plus la place du père. Il voit ce dernier pour la première fois, il tombe sous le charme pour la première fois, il goûte à la musique pour la première fois. De ces deux êtres qui n'attendent rien de la vie si ce n'est le jour présent naît un film magistral dans sa sobriété, sa sagesse et son lyrisme indolore, dont on soupçonne toute l'étendue au fil des frissons. Loin d'être une fable ampoulée et sirupeuse sur l'adolescence et la quête d'identité, Le dernier coup de marteau est une ode aux déclarations d'amour avec les yeux, à la vibration des cœurs avec les mélodies d'un orchestre, au temps qui ne se rachète pas, jamais, à cette reconnaissance commune qui semble lier les hommes davantage par humanité que par les liens du sang ; époustouflante envie de s'en sortir. Dans les moments d'embarras comme dans les moments de doute, son fils la soutiendra contre vents et marées, jusqu'aux portes de sa propre vie...
Alix Delaporte débute son film avec Victor (Romain Paul), livré à lui-même, seul et sans sa mère. Le film se boucle sur un plan somptueux entre sa mère et lui, devant un vaste horizon, prêts à ne plus se laisser engouffrer par le destin hasardeux et tragique. Le dernier coup de marteau comme les trois drames vécus par l'auteur de la symphonie dont il est question dans le film. Le dernier que l'on attend, tous, pour les protagonistes, qui par superstition, ne viendra peut-être pas. Ou peut-être que si, alors ne la faisons plus souffrir, faisons-la sourire. Le dernier coup ne viendra pas, c'est impensable, c'est impossible. Ce film est simple sans être simpliste, traitant des questions très diverses avec une sobriété lumineuse et particulièrement sensorielle. Il se permet quelques plans d'une beauté immuable et incandescente (les jongles au crépuscule, la scène de fin), vite effacés au profit d'un quotidien plus trivial, comme cette maladie qui laisse quelques pétales d'espoir sur une fleur fanée. L'idée d'allier l'Opéra et l'orchestre, dirigé d'une main de maître par son père, à la note près, et d'un autre côté la maladie de sa mère, dont l'avenir est incertain et incontrôlable, est absolument fantastique et de cet antagonisme naît une frustration partagée par le spectateur. Le film joue sans cesse sur la maîtrise et le paraître, une contrefaçon du contrôle. Et cette mère qui cache les apparences, et cette amie qui danse au rythme d'une musique qui n'existe pas. Si l'espoir n'est plus, créons-le.
Les acteurs dont Romain Paul en tête, retenu au casting pour son regard profond et infaillible (quelle belle prestation !) sont très touchants et transmettent leurs émotions d'un regard, d'un geste, d'un mot murmuré à qui veut l'entendre. Une élégance dans la sensibilité des personnages qui les rend attachants et très réels. Clotilde Hesme est une étoile, une magnifique interprète. Le dernier coup de marteau n'a aucune prétention, si ce n'est d'être, pendant un peu plus d'une heure, le reflet de la vie avec ses hauts, ses bas, ses injustices. La transmission est le cœur de ce film.