Il s'appelait J.B. Books. Il avait une paire de pistolet aux crosses d'ivoire qui étaient quelque chose ! Un hors-la-loi ? Non. Il avait même été du bon côté. Il était célèbre depuis longtemps. Je crois que c'est pour ça qu'on lui en voulait. Il savait survivre dans ce rude pays. Il vivait en solitaire. Sa Maxime : « Ni trompé, ni insulté, ni humilié. Je ne le fais pas aux autres. Qu'on ne me le fasse pas. »
Une figure mythologique du cinéma américain fait ses adieux
Marion Morrison, de son nom d'artiste "John Wayne" alias "The Duke", la légende de l'Ouest. Icône incontestable du western. Figure emblématique cinématographique. Véritable monstre du cinéma ayant tourné dans plus d'une centaine de longs-métrages. L'incarnation de l'esprit américain. Pour plusieurs générations de cinéphiles, le symbole par excellence du « cowboy ». Frappé par un cancer du poumon en 1964, le géant de l'Ouest finit par partir vers le soleil couchant le 11 juin 1979 à l'âge de 72 ans après des années de combats. Une longue lutte éprouvante où le comédien va mettre à profit le peu de temps qu'il lui reste à vivre à travers le cinéma jusqu'à son ultime western : « Le Dernier des géants ». Le Dernier des géants réalisé par Don Siegel met en vedette une ultime fois John Wayne dans ce qui se trouve être une œuvre testamentaire déstabilisante. Sur un scénario écrit par Miles Hood Swarthout et Scott Hale tiré du roman ''The shootist'', de Glendon Swarthout, Siegel offre à John Wayne une dernière virée où celui-ci va incarner John Bernard Books, véritable légende de la gâchette, atteint d'un cancer incurable. Un récit cynique et dur de par la corrélation de son propos avec l'état aggravé du comédien, qui va mettre les pieds dans le plat en abordant frontalement et sans langue de bois sa maladie, sa mort et son sentiment général. J'imagine le courage et le recul qu'il a fallu au comédien pour jouer dans ce film. Il donne sens à sa citation :
« Le VRAI Courage, c'est quand vous êtes mort de peur et que vous montez TOUJOURS à cheval ! »
Avec Le Dernier des géants, John Wayne livre un témoignage dramatique complexe faisant toute la spécialité et spiritualité de cette œuvre morbide. Fatidiquement, on sait exactement où on va, vers la mort de John Bernard Books, et donc du comédien. Certes, durant le tournage le comédien était censé être sorti de son cancer. Seulement, après les années de maladies, il savait très bien qu'il pouvait rechuter à n'importe quel moment, et que cette fois-ci, à cause de sa fragilité, ça lui serait fatal. Si bien, que durant le tournage il fut gravement malade, atteint d'une pneumonie ayant bien failli mettre un terme au spectacle. On découvre au fur et à mesure, le fond de pensé de l'homme qui partage un tout autre regard sur lui-même, dans lequel il fait le point sur son existence. On explore les fantômes du passé qui l'ont construits et façonnés à travers ses réussites et ses échecs. Mais aussi ses regrets avec un regard plus critique sur le présent, et plus particulièrement autour des vautours qui tentent d'exploiter au maximum sa mort à venir. Wayne se met à nu et il ne mâche pas ses mots, après tout pourquoi le faire. Une construction scénaristique rustre, amère et pleine d'espoir, qui n'épargne ni le public ni le comédien. Une exposition bouleversante révélatrice de l'usure physique et psychologique d'un homme malade qui nous fait ses adieux. C'est triste, cynique, perturbant, mais aussi touchant, humain et optimiste. La fin de quelque chose pour un nouveau départ.
- Vous avez aussi vos ennuis ?
- Oui, mais, en général, j'ai eu du bon temps !
Un western qui puise sa force dans le drame qu'il développe et non dans l'action qu'il dépeint. À ce niveau, Le Dernier des géants se dresse comme un périple intimiste sur lequel s'agrémentent quelques petites péripéties appréciables qui restent secondaires à l'intrigue principale. Le rythme est décousu mais jamais éprouvant grâce à l'intérêt dramatique qu'exploite le sujet. Un cheminement scénaristique qui va progressivement faire venir l'instant fatidique tant redouté au cours d'un final extrêmement tendu. Un duel à quatre remarquable à l'origine d'un affrontement anxiogène où on s'inquiète de l'inévitable... Une conclusion difficile et implacable à l'image de la violence sanguinolente dépeinte qui s'achève sur un sourire plein d'espoir de John Wayne. La réalisation est intraitable autour de son ambiance austère. Malheureusement, la photographie de Bruce Surtees manque de génie, de même que les décors limités de Carson City par Robert F. Boyle. La partition musicale du compositeur Elmer Bernstein est d'une douceur exquise pour les oreilles. Une musique fine qui appelle à la tranquillité d'une vie bien remplie. Don Siegel gère le coup pour le reste, notamment lors de la séquence d'ouverture offrant un hommage à John Wayne, par le biais de séquences d'archives provenant de plusieurs westerns du comédien. Une idée bienvenue.
Niveau casting John Wayne sous les traits de John Bernard Books est incroyable. Il livre une performance sobre parfaitement maîtrisée qui jamais ne va dans la tirade larmoyante facile, bien au contraire. Le comédien dresse avec maturité le portrait d'une vie avec ce qu'elle a de meilleure et de plus difficile en tant que légende vivante. Un rôle bien plus noir et amer que tous les autres personnages bien plus souriants et drôles qu'a pu incarner le comédien. Pour son ultime aventure, Wayne tire de la retraite une autre icône du genre : "James Stewart". Qui, pour le symbolisme si particulier que représente ce western hommage à Wayne, accepte de revenir devant la caméra sous les traits du Dr Hostetler. Un retour qui ne sera pas de tout repos mais qui pour l'occasion se dresse comme des retrouvailles inespérées, quinze ans après L'homme qui tua Liberty Valence de John Ford. Quinze années qui comme par hasard correspondent au nombre d'années où dans le film John Bernard Books et le Dr Hostetler sont restés sans se voir. Un clin d'œil très appréciable. Stewart qui lors du plan final jette un dernier regard plein de sens à Wayne. Un grand moment. Le reste de la distribution s'en sort très bien avec Lauren Bacall, en tant que Fleur Rogers. Une veuve qui va accepter d'accompagner les derniers jours de la vie de Books. Ce que j'aime c'est que malgré la gravité et la condamnation du personnage, pas une fois elle ménage l'homme. Encore mieux, elle offre une belle performance dramatique qui ne va pas partir sur une histoire d'amour condamnée improbable. Son fils, Gillom, par un Ron Howard bien jeune, apporte l'optimisme du récit. L'espérance d'un avenir meilleur émancipé des fautes commises par Wayne. Scatman Crothers en tant que Moses Brown est très sympa. Il incarne l'étendard comique bienveillant qui caractérise tant le cinéma de Wayne. Viennent enfin les antagonistes principaux qui malheureusement sont trop peu exploités et aurait mérité un peu plus d'élaboration.
CONCLUSION :
Le temps du bon vieil Ouest touche à sa fin et avec les icônes qui l'accompagnent. Le Dernier des géants réalisé par Don Siegel, représente la fin d'une époque à travers un spectacle émotionnellement juste qui sonne vrai à tous les niveaux. L'œuvre testamentaire d'un monstre du cinéma qui se livre sans filtre à travers un western perturbant et bouleversant.
John Wayne alias "The Duke", l'homme meurt, mais la légende perdure. L'émotion est palpable !
- Vous vous préparez à quelque chose.
- Pourquoi dites-vous ça ?
- Ce journal... Le nettoyage, le laudanum, le coiffeur...
- Promets-moi une chose. Demain, quand vous me verrez dans ma splendeur, en costume du dimanche, ne me posez pas de questions. Pas de soupçons, ni d'intuitions féminines. Toute curiosité interdite absolument ! C'est promis ?... Et pas de larmes.
- ... Je vous le promets.
- Merci.