Marguerite, celle qui a lancé le mouvement #MeToo !

Y a pas mal de gros défauts mais on prend quand même son pied.


L'introduction avec la préparation de ce duel (un flashforward en somme) m'a déplu (comme souvent quand un film commence par la fin pour ensuite revenir en arrière) : c'est une manière de prendre les spectateurs en otage qui est trop facile et déplaisante. Et le film n'en avait pas besoin. Ceci étant dit la mise en scène est impeccable : c'est joli à regarder, on appréciera la reconstitution, les dialogues, les costumes, ... et puis avec ce premier plan en vue aérienne, comment ne pas faire un parallèle avec les séquences aériennes de foules dans "Gladiator", j'ai surtout repensé au making of qui expliquait que la prod n'avait engagé qu'une partie de la foule et le reste n'est qu'un "copier coller" numérique.


Le premier chapitre est trop bref, trop vite expédié. Franchement, je craignais que tout soit traité de la même façon et si ça avait été le cas le film aurait été oubliable très vite. Les combats sont vite expédiés, souvent mal filmés, c'est très brouillon : ce n'est pas parce qu'un combat médiéval est bordélique que la mise en scène doit l'être aussi afin d'en retranscrire la confusion. Sinon quoi pour qu'un spectateur ressente la mort d'un personnage, il devrait mourir aussi ? Ceci étant dit, les châteaux sont très chouettes, les décors de manière générale sont bien habillés et bien filmés, on se croirait vraiment à l'époque médiéval. Sans parler de cette superbe lumière bien capturée. Les acteurs sont très convaincants, j'avais un peu peur du casting mais tout le monde s'en sort assez bien (bon Damon fait parfois des grimaces un peu trop calibrées mais il propose aussi des attitudes formidables).


Je précise que je ne connaissais pas grand chose de ce pan de l'histoire évoqué ici, je n'avais donc aucune idée de la manière dont ça se terminerait. Et à ce stade, j'avoue que je me suis demandé si la demoiselle n'avait pas tout inventé (ayant en tête les manigances possibles découvertes dans la saga "Les rois maudits", je m'étais donc imaginé que la belle blonde espérait récupérer son bout de terre et son honneur en créant des querelles entre les amis du roi).


Pour le moment je me dis que le film vaut 6/10.


La seconde partie est plus riche, plus posée, mais encore trop rapide. Il faut aussi s'accrocher car les auteurs refusent de répéter les mêmes scènes au-delà du premier combat, on doit donc subir parfois de grosses ellipses, se souvenir de ce qui a été expliqué auparavant ; ce n'est pas très complexe mais ça change clairement des séries par exemple ou tout est expliqué 50 fois pour être sûr que le public comprend bien l'une ou l'autre subtilité (qui n'en est plus une). Le jeu de point de vue commence à se faire sentir, mais ne paraît pas assez approfondi. Il reste intéressant, mais on se dit que les trois auteurs auraient pu aller bien plus loin dans leur démarche. Puis il y a la fameuse scène de viol. J'ai été étonné, car nous suivons le point de vue du violeur, sauf que le violeur n'admet pas qu'il s'agissait d'un viol. Et franchement lorsqu'on assiste à la scène, difficile de comprendre comment il pourrait penser que ce n'est pas un viol. Certes, certains détails attirent l'attention (comme els chaussures - il n'était d'ailleurs pas nécessaire d'insister autant dessus) mais ça reste un viol.


On notera aussi qu'arrivé à ce stade, on a l'impression que le film a vraiment été conçu avec le mouvement #MeToo en tête, certains dialogues semblent vraiment tiré de la charte de reproches faite au patriarcat, ce qui pourrait franchement déplaire à beaucoup non pas parce que c'est féministe (enfin, pour certains si) mais surtout parce que ces dialogues sont un peu forcés, sont trop modernes même, et semblent tirées de conversations récentes entre un groupe de gens confrontés à un viol. Du coup, mes prévisions se sont révélées fausses avec ce segment, car je m'attendais à ce qu'il n'y ait pas de viol ou que ce soit elle qui tente de séduire Le Gris qui aurait alors refusé ses avances, la mettant en colère. Difficile de comprendre le comportement de LeGris au travers de son segment d'ailleurs. Bon, de Carrouges n'est vraiment pas toujours cool avec lui mais quand même il avait été présenté comme fidèle, loyal et bon, même si porté sur le sexe avec son pote Pierre.


En tous cas, ce segment, bien qu'imparfait, remonte déjà le niveau et j'en viens à la note de 7/10.


La troisième partie est la meilleure. Il n'est pas très surprenant et peut-être même que le film aurait pu se contenter de ce segment (en reprenant tout de même quelques scènes des deux autres parties). Bon, quand on revient sur la scène de viol, on se rend compte que c'est plus violent que selon le point de vue de Le Gris, mais ça ne change rien au fait que son point de vue à lui aurait dû être encore plus différent. On appréciera aussi la façon dont ce personnage perçoit sa relation avec son mari de Carrouges : ce dernier s'imaginait bon mari, ici on découvre qu'il est plus odieux et moins moderne que prévu. On aurait voulu que certaines confrontations soient plus riches comme celles avec la mère de Carrouges, mais on s'en contentera. La mise en scène est toujours aussi plaisante, voire plus, puisque ce segment est plus long, plus posé que les deux précédents. On prend vraiment plaisir à découvrir ce château, enfin l'effet inverse aussi, on prend tellement son temps que justement c'est décevant qu'on ne l'explore pas plus.


Ici encore c'est très #MeToo, avec les gens qui doutent de sa parole et tout le tralala, ça peut limite devenir écœurant tant les personnages sont dictés par le message plus que par leurs propres désirs (genre le revirement de la meilleure copine, assez mal construit même si ça n'est pas invraisemblable). Ce qui m'a gêné le plus avec ce segment, bien qu'il soit le meilleur, c'est qu'il est impossible de se dire que ce n'est qu'un point de vue : il est montré en dernier, il amène la conclusion, il reprend des détails des précédents segments de façon plus crédible... pourtant il aurait été intéressant aussi de laisser une sorte de mystère, laisser le spectateur choisir quelle version est la vraie. On découvre aussi que Marguerite est vraiment géniale, instruite, intelligente, bosseuse, humble, qu'elle n'hésite pas à mettre les mains dans le cambouis de l'époque, qu'elle est assez courageuse pour contredire les autres de son mari puisque de toutes façons c'est pour obtenir plus de richesse, et puis elle est moderne, elle met des tenues très sexy, accepte son corps et refuse le body shaming, même si elle a conscience qu'elle n'atteint pas l'orgasme avec son barbare de mari.


Pour moi le film est un très bon 7/10 peut-être même déjà un 8/10.


Vient enfin le duel, ce qu'on attendait tous. Les combats étaient assez faiblement développés jusque là, laissant la place aux dialogues, aux personnages et aux événements plus intimes. Ici, on est dans l'action pure. Cela n'empêche pas les auteurs de s'intéresser aux petits détails qui rendent la chose plus vraie (mais ça reste probablement très fantasmé). Le découpage est vraiment bien pensé et hyper efficace. Bon, peut-être trop de plans par moment, n'empêche que l'action se lit très facilement et qu'il y a une sacrée tension, grâce à un bon mixage (sons de lame, musique discrète, silences, ...) qui accompagne ces images efficaces. Les acteurs sont excellents aussi, les effets spéciaux sont convaincants. Là on se dit que le film aurait pu n'être qu'un court-métrage, ce segment seul racontant au final toute l'histoire (on comprend la rivalité, l'hypocrisie, la fierté des personnages). Et surtout on se dit que Ridley est quand même un putain de réalisateur, aujourd'hui encore. Je n'en ai pas parlé dans les précédents paragraphes, mais j'ai apprécié la musique aussi, on y retrouve des sonorités qui rappellent le Moyen-Âge (c'est un peu caricatural, le M-A étant plus riche que ce qui est présenté mais ça colle bien quand même).


Et là pour moi on est dans un 8/10 bien ancré.


Bref, ça n'a pas été sans mal, mais j'ai passé un très bon moment. Le film est dense, les auteurs proposent un concept certes pas assez abouti, mais intéressant tout de même et le réalisateur se fait plaisir. Dommage que l'affiche fasse penser à un Star Wars...

Fatpooper
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le 6 janv. 2022

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