Bon, il était temps de se remettre à gratter des critiques (oui, il y avait écrit 2011 à côté de la dernière critique, et ça commençait à me piquer les yeux sévèrement). J'ai fini par digérer High School Musical 3 et je me suis dit qu'il fallait reprendre du service sur des choses un peu plus concrètes et un peu plus matures. Ça tombe bien, ce film de Jean-Jacques Annaud a bien fait parler de lui, et en effet, il y a un paquet de choses à dire ! Alors c'est parti, on se lance.
Hop hop hop synopsis : le film reprend le best-seller chinois le Totem du Loup de Jiang Rong qui fut vendu en plus d'exemplaires que le petit livre rouge. Premier problème pour moi ici qu'est la battage médiatique autour de l'œuvre de base. La promotion entière du film repose sur deux piliers, le fait que le film soit une adaptation de ce livre, et que ce soit un film de l'ami JJ. Le problème est que le film devrait être une œuvre à part entière et non réputé pour ces raisons, même si il serait idiot d'en faire complètement fi.
Enfin bon, je m'égare, le marketing importe peu, revenons à nos moutons. LE SYNOPSIS : c'est donc l'histoire de Chen Zhen, un "instruit" chinois envoyé en Mongolie intérieure avec un de ses camarades en 1969, en pleine Révolution Culturelle. Chen Zhen est envoyé dans la contrée rurale pour éduquer les populations locales durant deux années, en échange, il est nourrit, logé.
Alors quel rapport avec les loups me demanderez-vous ? Cette question est tout à fait légitime, vu que le plot ignore le sujet central choisi par J.J.Annaud. En fait, les populations nomades des steppes vivent en parfaite harmonie avec leur environnement, partageant les ressources avec les différents prédateurs locaux, dont le loup de Mongolie, craint et respecté (culte de Tengri). Il se trouve que durant la Révolution Culturelle, les objectifs fixés par le gouvernement chinois en terme de collecte de ressources, d'élévation du niveau de vie, de sédentarisation des populations perturbent complètement l'équilibre des steppes, par des pillages inconséquents. Les loups sont chassés et tués mais Chen Zhen décide d'en garder un et de l'élever, avec l'accord de son supérieur.
C'est donc un film d'aventure avec pour thème central l'environnement. Difficile de ne pas faire de parallèle avec l'épuisement des ressources, la raréfaction voire disparation de bons nombres d'espèces animales et végétales, dans le cadre de la modernisation. Le choix de la période se veut très pertinent pour le coup, afin de développer ce thème. La culture en opposition à la nature en somme. Le thème est d'actualité, plus que jamais, et Jean-Jacques Annaud n'en est pas à son premier film autour des animaux (L'Ours en 1988, Deux Frères en 2004), ainsi que du rapport de l'Homme avec son environnement au sens large (Sept Ans au Tibet en 1997, ou même la Guerre du Feu en 1981). Il devrait donc maîtriser son sujet.
Et bien j'ai trouvé plusieurs points qui m'ont beaucoup fait tiquer. Tout d'abord, le film gomme complètement l'aspect historique de la Révolution Culturelle, le cadre est mal posé, on y fait allusion mais le film ne s'oriente pas assez vers l'histoire à mon avis. Enfin, le gros point noir du focus est le choix même de l'animal. Alors je sais bien que c'est une adaptation, mais le choix d'articuler le scénario autour d'un animal noble comme le loup, en ignorant complètement la destruction du milieu de vie d'autres espèces durant la Révolution Culturelle relève pour moi d'une certaine hypocrisie. Durant cette période, de lourds moyens ont été mis en place pour éradiquer des espèces jugées nuisibles telles que les oiseaux, rats, souris, écureuils, marmottes, afin de permettre aux champs de s'étendre sans limites et mettre fin à la famine. Le film ignore complètement ces espèces pour se concentrer sur le loup. Pour moi, le choix du loup est facile (parallèle avec l'extinction du loup en France) car cette espèce est relativement commune à beaucoup de cultures, et même si c'est un animal fascinant, la valeur qui lui est accordée éclipse le réel problème: la modification de l'environnement dans son ensemble par l'activité humaine. Le film perd ainsi en pertinence selon moi, mettant trop l'accent sur l'éradication du loup, valorisé à outrance (j'y reviendrai dans le prochain paragraphe) et ne faisant qu'allusion à l'idée d'équilibre environnemental.
Si l'on décide de s'intéresser aux caractéristiques plus techniques du film, on se heurte à quelques hic. La réalisation n'en fait pas parti, même si je ne suis pas fan du style de Jean-Jacques Annaud, que je trouve très académique, sans prise de risque, il reste assez efficace et on ne voit pas trop le temps passé. Les paysages sont absolument magnifiques, et il a su en capter la beauté. Le jeu d'acteur ne fait pas tâche, il est tout à fait correct et ce n'est pas un film à performance. L'inverse aurait trahi le propos du réalisateur à mon avis. Les personnages restent cependant caricaturaux, prévisibles et sans profondeurs, mais après tout, ils ne sont pas vraiment les héros du film. Du côté de la bande son, rien de transcendant, à l'instar de la réalisation, elle se veut très académique et assez transparente.
Deux points m'ont foncièrement dérangé: le côté un peu prout prout fleur bleue (formes dans les nuages, histoire d'amour complètement useless et impertinente), même si cela se résume à des scènes assez courtes, ça m'a fait sourire. Mais le plus gros point noir réside dans la personnification du loup. Comme je l'ai dit précédemment, le loup est magnifié (contraste et saturation des couleurs), il est "sur-esthétisé" et les cadrages autour de la bête donnent la sensation que le loup est le méchant d'un film d'action. Le loup perd ainsi de son côté sauvage et est élevé au rang d'être civilisé. Évidemment c'est un animal intelligent, il n'en reste pas moins sauvage. Un autre point qui fait perde de sa "wilderness" aux loups est le fait qu'ils sont incroyablement propres, léchés. Cela peut se comprendre car évidemment les loups de Mongolie utilisés ici pour les besoins du film sont des animaux dressés, mais on n'a pas la sensation de voir un animal sauvage. Et cela trahit complètement le propos du film.
En somme, le dernier loup est assez brouillon, je m'attendais à quelque chose de beaucoup plus poignant mais au final, le thème est à mon goût mal développé, au profit d'aspects présents essentiellement pour plaire au plus grand nombre. C'est un assez bon film mais traité avec trop de légèreté. Il doit énormément à la beauté de la région, et ne cherche pas à créer une réelle prise de conscience. C'est donc globalement une déception pour ma part même si le résultat final est tout à fait correct. Je le conseille tout de même aux plus curieux, mais il ne faudra pas en attendre plus qu'un Sauvez Willy de 2015 destiné à une autre tranche d'age (attention, c'est à prendre au second degré évidemment). En réalité, la philosophie du film se limite à quelque chose du genre "l'homme est un loup pour l'homme" et j'ai trouvé ça assez grossier. On découvre peu les aspects historiques, peu la culture mongole, le loup n'a pas l'air sauvage. Bref, si j'étais le genre de personne à abuser du hashtag, je dirai un truc comme #déception. Je ne sais pas si me déception est due à une éventuelle censure chinoise, une contrainte vis à vis de l'oeuvre de base, ou bien des choix du réalisateur, mais on aurait pu attendre un film réellement mieux, et plus profond.
Donc, je le dis, #déception, hop là, pas de scrupule.