Loup, y es-tu ?
Nous avions laissé Jean-Jacques Annaud sur un effarant ratage de sinistre mémoire (Sa Majesté Minor) et un film qui le remettait en selle de fort belle manière (Or Noir). Son dernier opus voit un des...
le 3 mars 2015
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Nous avions laissé Jean-Jacques Annaud sur un effarant ratage de sinistre mémoire (Sa Majesté Minor) et un film qui le remettait en selle de fort belle manière (Or Noir). Son dernier opus voit un des meilleurs réalisateurs français en activité revenir aux sources de l'un de ses succès avec Le Dernier Loup. Si de prime abord, le scénario ressemble à s'y méprendre à celui exploité par Nicolas Vanier dans Loup, Annaud le transcende en y insufflant tout ce qui manquait à l'aventure en terre évène. D'abord, c'est un véritable souffle épique qui traverse l'oeuvre et agite les hautes herbes de la steppe mongole, cadre de l'intrigue aux décors d'une beauté quasi irréelle, aux couleurs profondes, vives et veloutées. Le film devient même haletant lors des scènes d'attaque menées par la meute ou les scènes de traque menées par l'homme, jusqu'à en faire retenir son souffle au spectateur.
Au contraire de Vanier, Annaud évite quasi systématiquement toute niaiserie et tout manichéisme dans son propos, dépeignant les loups comme ce qu'ils sont : aussi beaux, attachants et majestueux que sauvages et implacables. Le réalisateur reprend à peu de choses près le canevas qu'il avait adopté pour l'Ours ou encore Deux Frères en déracinant un louveteau et en le jetant dans un monde des hommes auquel il est totalement étranger qu'il devra inévitablement fuir. Cependant, le discours y apparaît plus noir et donne le sentiment que le réalisateur n'a plus grande illusion sur la possibilité, non d'une vie en totale harmonie, mais d'une simple cohabitation entre l'animal et homme. Celui-ci est d'ailleurs dépeint comme pesant sur le fragile équilibre entre espèces, pillant la ressource naturelle sans réfléchir et colonisant des paysages vierges. Ce pessimisme se retrouve aussi dans la volonté de développement et d'éducation du pays, au prix de la disparition des traditions et de l'ancienne génération qui en était la gardienne. Etranges sentiments qui planent sur ce film, qui ne cache presque rien au spectateur, y compris dans sa violence ou sa façon de donner la mort, qui en fait un spectacle qui n'est pas en priorité destiné aux enfants, loin de là, même s'il y a un louveteau trop choupinou en vedette...
Au niveau formel, on retrouve un Jean-Jacques Annaud qui maîtrise de bout en bout son sujet, traversé de fulgurances plastiques parmi mes meilleurs instants cinéma 2015, à l'image de ce magnifique plan de chevaux littéralement figés dans un étang de glace, entre beauté froide et aspect morbide.
S'il ne tutoie pas les sommets atteints par l'Ours, s'il n'est pas exempt de quelques passages superflus, Le Dernier Loup dépayse son spectateur par la beauté de ses décors et lui offre une aventure sincère filmée avec goût, à hauteur de ces magnifiques animaux.
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le 3 mars 2015
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