En 2013 les bas de laine ont le goût de plomb. Les hasards de la vie ont fait qu'Arnold Schwarzenegger soit au chômage au même moment que son rival Sylvester Stallone organisait une évasion de la maison de retraite avec Expendables. La gérontotestostérone est donc à la mode et l'ancien gouverneur de Californie surfe sur la vague pour arrondir sa retraite.

Inutile de s'attarder sur le scénario dont tout le monde se fout, à commencer par les scénaristes, qui propose une rocambolesque histoire d'évasion stoppée par un brave Sherif de campagne plus droit que la justice elle-même. Le fameux dernier rempart du titre, c'est bien évidemment lui : Arnie, ex monsieur univers fatigué mais encore cabotin. Si on met de côté toute la moitié avec Forest Whitaker, bien trop envahissante et premier degré, le film à le bon goût d'avoir conscience de sa propre débilité et n'hésite pas à plonger régulièrement dans le second degré assumé. Quelques vannes sympa, le plaisir simple de voir Schwarzenegger avec des chaussures bateau. Rien d'hilarant ou de particulièrement bien écrit, juste de quoi détendre l'atmosphère. Evidemment on se demande tout de même pourquoi on nous impose Johnny -Jackass- Knoxville dans un rôle tête-à-claque, inséré au chausse-pied dans le récit. Agaçant, le bonhomme apparaît heureusement assez rarement : on le laisse faire une cascade débile avec un lampadaire, puisqu'il n'est bon qu'à ça et que ça doit faire plaisir au fils d'un producteur, puis on l'évacue vite fait parce qu'on n'est pas venu pour ça. Le cauchemar du buddy movie dont personne ne voulait se dissipe, ouf.

Plus que le casting c'est souvent l'approche boursouflée de l'action qui a petit à petit tué l'intérêt du genre. The Last Stand a la bonne idée de ne pas avoir été confié à un yes men sans talent comme c'est souvent le cas. Au lieu de puiser dans le vivier américain de crétins congénitaux et dispraxiques qui polluent nos écrans à la moindre occasion les producteurs sont allé chercher un type qui sait tenir une caméra. C'est donc le coréen Kim Jee-Woon qui emballe l'affaire, réalisateur virtuose de "A bittersweet life", "Le bon la brute et le cinglé" ou "J'ai rencontré le Diable". Un cinéma très visuel, inventif, fou et parfois incroyablement violent... bref du cinéma de genre coréen. Des ingrédients qui ont traversé le Pacifique avec le réalisateur puisqu'à côté de la rigolade le film enquille des moments musclés qui ne font pas dans la finesse.

Il suffit de voir le premier fait d'arme d'Arnold, écrasant sans sourciller un méchant avec son gros 4x4 avant de défoncer deux autres vilains au shotgun à bout portant depuis son siège conducteur, pour voir la vraie réussite d'un film qui assume sa nature régressive. Si le métrage patine pas mal au démarrage, avec un Eduardo Noriega en super vilain dont le principal trait de caractère est de passer les vitesses sur une boite manuelle, la dernière demie-heure est une avalanche continue de bastons qui arrivent à se renouveler, évitant la monotonie. Le "Dernier Rempart" du titre, cet affrontement monté en épingle tout le long du film, tient ses promesses avec ses airs de Western dégénéré. Une cervelle qui explose en suspension, des morceaux de cadavres qui volent, un type littéralement coupé en deux par une gatling. Kim Jee-Woon fait sa petite boucherie décomplexée et décontractée. Le bonhomme a toujours été un technicien appliqué et il signe ici une mise en scène lisible et esthétique en nous épargnant notamment l'habituel, et vomitif, montage ultra cut hérité des années MTV.

Bien sûr Jee-Woon n'est pas aussi inventif ou soufflant que lorsqu'il était à Séoul (on est loin, par exemple, du génial gunfight final de "A bittersweet life") mais il rempli parfaitement son rôle de mercenaire sans se foutre de la gueule du monde. Ce n'est pas John Woo ou Simon West qui pourrait en dire autant. On aurait sans doute voulu voir un truc plus original. On aurait vraiment aimé se passer de Johnny Knoxville, des incrustations dégueulasses sur fond vert ou encore des blablas inutiles sur des enjeux dont on se contrefout. Le pire était à attendre de ce "Dernier Rempart" mais on découvre au final un produit énergique, bien emballé et donc plutôt plaisant à suivre. Pas le film du siècle, ni même un actionner particulièrement marquant, simplement un bon moment à tendance nanar à savourer une bière à la main... et accessoirement le meilleur film de Schwarzenegger depuis True Lies, il y a pratiquement 20 ans.

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le 16 mars 2013

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