Si Napoléon m'était conté...

Mais quelle mouche a donc piqué le programmateur de France 3 pour qu'il ait reporté son cinéma de minuit à 1 h 45, alors que tant de stupidités, et séries stériles, défilent sue la chaîne à longueurs de journées...

A croire que notre ministre de la culture considère déjà France TV comme dépassée, ou pire : privatisée ? Pour inonder encore plus notre petit écran de pubs aussi débiles que dissuasives ?

Tout ceci pour manifester ma réprobation d'avoir relégué ce superbe bijou à une heure où tout le monde dort (ou devrait dormir) du sommeil du juste...

Sacha Guitry est en voie d'oubli de nos jours : il est mort, voici bien longtemps, d'un cancer, à Paris en 1957 : au 18 avenue Élisée-Reclus, où il avait succédé en 1925 à son père...

Grand collectionneur, il rêvait de voir la demeure transformée en musée après sa mort.

Las, le bâtiment fut rasé et sa collection d’œuvres dispersée lors d'une vente aux enchères mémorable à Drouot...

Je dois à Guitry le fait de m'avoir réconcilié avec l'Histoire (matière que je n'aimais pas beaucoup lorsque mes études me poursuivaient) et notamment au travers de "Si Versailles m'était contée"...

Son chef d'oeuvre peut-être...

La vie de l'homme en lui-même ressemble à un roman !

Acteur, auteur, dramaturge, metteur en scène, réalisateur, journaliste, conteur, récitant (...) Alexandre Pierre Georges était né en 1885 à Saint Pétersbourg (Russie) troisième et seul rescapé d'une fratrie de quatre garçons. Né des œuvres de Lucien, comédien réputé à l'époque, et de Renée Delmas, fille de journaiste connu ....

Laquelle après l'avoir rejoint en Russie, le quitta, lassée par les incartades amoureuses de son mari et ce, notamment avec une actrice célèbre avec laquelle il jouait (dans tous les sens du terme) : Sarah Bernhardt...

Alexandre doit son prénom de baptême à son parrain, le tsar Alexandre III, lequel appréciait le talent de Lucien Guitry. Sacha est le diminutif d'Alexandre en russe...

La jeunesse de Sacha fut tumultueuse et il arrêta ses études à l'âge de seize ans, ayant redoublé dix fois (! ) sa sixième, et fait l’objet de multiples expulsions scolaires... Après des débuts dans le journalisme, il s'essaya à l'écriture de pièces . Un temps directeur du Théâtre de la Résistance, son père fut bien obligé de le recruter mais une rivalité amoureuse due à une comédienne fit que Sacha se brouilla avec son père durant treize ans...

Sacha signa cent-vingt-quatre pièces de théâtre,, des succès pour la plupart, et il y fut souvent acteur... Il n'aborda le cinéma que sur un tard et encore, à reculons, trouvant qu'il dénaturait le théâtre...

On lui doit néanmoins trente six longs-métrages dont certains issus de ses pièces, et où (et) la encore il est acteur ou récitant...

Seul épisode sombre dans sa vie et sa carrière, celle de l'occupation lors de la seconde guerre mondiale qu'il traversa sans s'en soucier... Inquiété à la libération il déclara :

"La Libération ? Je peux dire que j'en ai été le premier prévenu.

Puisque j'ai bénéficié de deux non-lieux, c'est qu'il n'y avait pas lieu" ...

Thèse soutenue par ses admirateurs inconditionnels, contredite par la suspicion des autres...

Calomniez, calomniez, il en reste toujours quelque chose.... surtout dans ce milieu concurrentiel...

Quatorzième film de Guitry, "Le destin fabuleux de Désirée Clary" tourné pendant l'Occupation, fut longtemps interdit de projection en France... Et son auteur ne fut jamais indemnisé par l’État...

Guitry avait l'art et la manière de raconter des aventures et il se dégage toujours de ses film une ambiance tellement particulière... Comme celle des contes... Un homme qui savait faire rêver, d'une grande courtoisie...

Dans ce film, un riche bourgeois marseillais, a deux filles : Julie et Désirée Clary qui sont en âge de convoler et intéressent Joseph et Napoléon Bonaparte qui les convoitent...

Désirée, que l'uniforme attire depuis son plus jeune âge en raison d'un baiser, sera séduite par l'un et l'autre, mais Napoléon gagnera mais rompra sa promesse de mariage.

Humiliée, Désirée passera sa vie à intriguer et lui faire payer très cher sa rupture...

Lors de ses épousailles avec le Général Bernadotte, ne déclare-t-elle pas du reste :

"Je ne me marie pas, je me venge !"

Désirée Clary prendra successivement le titre de princesse de Pontecorvo, puis celui de reine de Suède.

Malgré son odeur de naphtaline et son tournage en noir et blanc, ce film se boit comme du petit lait car on se sait trop si Guitry nous conte l'Histoire de Napoléon, où celle d'une petite bourge devenue femme et ayant passé sa vie à se venger pour avoir été délaissée...

Je n'ai pas trop recherché l'authenticité de l'histoire, je vous ai expliqué pourquoi...

Si l'austérité du film se trahit par des décors parfois désolant alors que le style impérial était très enluminé, le générique est d'une richesse inouïe pour les archéologues cinématographiques... Elle tient du prodige mais aussi et probablement au manque de propositions cinématographiques dues à la guerre...

Sacha Guitry, lui-même grand amateur de citations célèbres, n'aurait pas renié celle-ci qui s'appliquerait merveilleusement à ce film : "L'avenir de l'homme, c'est la femme !"

Il a lui-même été marié cinq fois, et uniquement avec des actrices,encore que les deux dernières ne le sont devenues qu'à son contact... On aurait dû en compter six mais Arletty refusait les propositions officielles et déclarait :

" J'allais pas épouser Sacha Guitry, il s'était épousé lui-même..."

Une des autres particularités de ce film où Guitry est réalisateur, acteur, récitant est que les comédiens diffèrent selon l'âge des personnages historiques.

C'est ainsi que l'héroïne, Désirée Glary ,est jouée toute jeune par Carlettina, probablement fille d'acrobates, décédée en 2002, et ayant tourné semble-t-il aussi dans le Diamant noir ?

Puis par Geneviève Guitry née de Séréville qui fut la quatrième épouse de Sacha en 1939 et bénéficia d'un sacrement de mariage catholique...La grande différence d'âge entre eux fit beaucoup jaser...

Le divorce fut pronocé en 1949... La carrière de Geneviève fut brève, huit films malgré une beauté (elle fut élue "Miss Cinémonde" en 1937) et un talent indéniable. Sa vie aussi fut éphémère : elle décéda à l'âge de 49 ans...

Et c'est Gaby Morlay qui s' attela au troisième rôle de Désirée avec beaucoup de talent, elle aussi...

Malgré son amour pour les femmes, Sacha Guitry n'aura pourtant jamais connu la paternité...

Une de ses citations :

" Je n'ai jamais été seul, la solitude c'est être loin des femmes"

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France 3 le 02.11.2024-