C’est du pur Scola ce film, toute une flopée de personnages, ça parle, ça parle et ça parle, tantôt c’est intéressant, tantôt ça l’est moins, mais j’aime les personnages d’Ettore Scola, j’aime les voir discuter entre eux, se disputer, débattre, bref, j’aime les personnages de Scola, ils sont très variés (parfois cons, parfois brillants, parfois touchants, parfois surréalistes, j’adore). Bref, cette variété de personnage, c’est ce que j’apprécie le plus chez Scola, surtout quand ceux-ci sont intéressants, et c’est le cas, ici, dans La Cena.


J’aime énormément le concept du film, c’est très simple finalement ; la caméra parcours les différentes tables dans un restaurant romain le temps d’une soirée, et c’est tout. Il n’y a pas de « scénario » dans ce film, on se ballade juste dans ce restaurant et on y découvre pleins de personnages, rien de plus, et cette simplicité me touche.


Cette simplicité se retrouve également dans la mise en scène ; en effet, c’est très sobre d’un point de vue réalisation, chez Scola on a connu mieux (notamment dans Nous nous sommes tant aimés) car ce film ne brille absolument pas par sa mise en scène mais plus par son écriture. Cependant, j’ai beaucoup aimé le « teint » du film, la lumière en fait, j’ai trouvé l’image… chaleureuse, oui, et nostalgique. Le film est sorti en 1998, mais on se croirait 20 ans avant et j’aime beaucoup l’ambiance que Scola crée finalement, et je trouve que cela passe beaucoup par le jeu de lumière, très réussie.


Les personnages, quant à eux, sont véritablement géniaux ! Ce qu’on peut reprocher à Scola, c’est que ça devienne fatiguant, car ça parle tout le temps, c’est non stop et les personnages sont parfois vraiment loufoques, mais c’est justement ce que j’aime, les gens s’entremêlent constamment et ça laisse place à des dialogues purement jouissifs, et relativement drôles, je me suis retrouvé à me marrer à de nombreuses reprises ! Ca laisse place aussi à des situations hilarantes, presque théâtrales dans le fond, c'est du comique de situation. Car oui, dans ce film, il y a un côté un peu théâtral qui m'a beaucoup plu.


J’ai énormément aimé le perso de Vittorio Gassman, personnage loufoque justement (le coup du riz nature, c’est très drôle), mais très intéressant, il incarne un véritable électron libre, se déplace de table en table, c’est un personnage très seul mais qui connaît beaucoup de chose et qui a besoin d’un contact avec les gens, il est assez touchant.


L’autre personnage que j’ai adoré, c’est celui du professeur de philosophie, incarné par Giancarlo Giannini… Quand il s’énerve contre sa maîtresse, il est génial, il dit des choses très intéressantes sur la philosophie, que celle-ci avait un certain « sens » quand elle combattait quelque chose que l’on était en droit (d’un point de vue éthique) de combattre, comme le nazisme, la tyrannie, le despotisme, bref, mais que celle-ci à l’heure actuelle paraissait vaine et même dangereuse ; il compare ainsi la philosophie à un médicament ; efficace quand il y a quelque chose à combattre, mais additive et dangereuse quand utilisée contre rien justement. Je ne suis pas forcément d’accord, mais c’est un point de vue assez intéressant.


Par ailleurs, c’est un personnage très cynique et ça me plait beaucoup ; sa dernière apparition est mythique ! On a Gassman qui converse avec un serveur à propos de la vieillesse, comme quoi les jeunes agacent les vieux, et inversement, les vieux agacent les jeunes, et ils ne se mettent pas d’accord. Alors là, notre bon Giannini se lève, finit son verre, et lâche sèchement « Eh bien vous savez quoi ? Moi, tout le monde me fait chier ! », et flan, il se barre. J’ai trouvé ça formidable, d’autant plus que c’est très bien joué, ça fonctionne, j’étais mort de rire et ça m'a un peu fait penser au tout début de Charlie et ses deux nénettes.


Ce sont les deux personnages qui m’ont le plus marqué, après il y en a pleins d’autres très intéressants, et assez touchants : il y a la relation entre cette mère et sa fille, ces deux potes qui parlent d’un projet de théâtre, la nymphomane qui invite tous ses amants en même temps (hilarant), bref, il y en a toute une flopée… Scola touche aussi au surréalisme, avec l’hypnotiseur notamment, ça donne des scènes assez géniales, comme lorsqu’ils tentent, avec l'homme qu'il vient de rencontrer, de monter sur un balai et de le faire voler, c’est super.


Bref, c’est un film que j’ai beaucoup aimé, l’ambiance est très réussie, c’est extrêmement bien dialogué, les personnages sont très bien écrits et bien joués, ça peut devenir lourdingue, mais dans le fond, c’est vraiment du pur Ettore Scola, et moi ça me plait énormément, et j’adore le concept du film, un film sans scénario, juste le portrait de pleins de personnages, de gens assez commun, de gens de tous les jours. Un portrait très juste, vraiment un super Scola.

Reymisteriod2
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le 4 mars 2016

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