Le premier mérite du Discours est d’offrir à Benjamin Lavernhe un terrain de jeu à la hauteur de son talent : l’acteur livre ici une prestation délicieuse, à la fois attachante et antipathique, et injecte dans la caricature qu’il campe une humanité et une malice appréciables. Preuve que Laurent Tirard sait écrire des personnages retors à la limite de l’antipathie, Adrien offrant un prolongement plus torturé au capitaine Neuville, bonimenteur réjouissant du Retour du héros (2018), anticipant d’ailleurs les mères supérieures peu charitables de Juste Ciel ! (2022).
Le présent long métrage repose sur l’évitement dudit discours explicité dès le titre, conçoit un nombre de stratégies toutes plus loufoques les unes que les autres qui transforment le cadre de cinéma en une scène de théâtre : les décors sont amovibles, la lumière peut s’éteindre et ne garder qu’un projecteur allumé sur un comédien, les apartés constituent un leitmotiv amusant qui nous place dans l’intimité du protagoniste principal. L’intelligence de l’écriture, qualité récurrente dans la filmographie du cinéaste, consiste à jongler avec la misanthropie d’Adrien, à le prendre au piège de ses préjugés cyniques et désabusés sur les relations humaines en les confrontant à l’imprévu – « je ne l’avais pas vu venir, celle-là… » -, symbolisé par le pari fait sur la chute de vélo. La photographie très soignée d’Emmanuel Soyer, et la mise en scène inventive de Laurent Tirard contribuent au dynamisme d’une œuvre affutée et divertissante, marque de fabrique d’un artiste parti trop tôt.