Au fond du trou.
L’affaire Marc Dutroux est un traumatisme qui outrepasse largement l’horreur absolue des faits commis. L’enquête laborieuse qui a n’a pas pu sauver la vie des victimes met à l’époque au jour tous les...
le 15 janv. 2025
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L’affaire Marc Dutroux est un traumatisme qui outrepasse largement l’horreur absolue des faits commis. L’enquête laborieuse qui a n’a pas pu sauver la vie des victimes met à l’époque au jour tous les manquements du système policier et judiciaire pour aboutir à un scandale d’état qui aura de profondes répercussions sur la nation toute entière.
Fabrice Du Welz s’attaque donc ici à une page de l’Histoire, pour un film qu’il veut ambitieux : 2h35 d’enquête et de plongée dans les bas-fonds de l’inhumanité, par le prisme d’un gendarme investi jusqu’à l’obsession. Le premier parti consiste à renouer avec un cinéma à l’ancienne, très marqué par les années 70, mélange entre la photo granuleuse et certains effets datés (les freeze frames, par exemple) de Boisset, agrémenté des ingrédients des grandes sagas du passé, notamment par un mariage à l’italienne qui rappelle celui ouvrant Voyage au bout de l’enfer. Du Welz prend bien soin de caractériser son personnage, n’hésitant pas à charger la mule (rejet de sa famille d’origine, élément d’enquête déterminant le jour de l’accouchement de sa femme), et poussant assez rapidement Bajon vers le surjeu. On voit bien l’ambition de tresser à cette couche de réel la partition plus intellectuelle d’un Zodiac sur une quête vouée à l’échec, et l’affrontement d’un mal indicible, mais la comparaison ne sera pas en faveur du film.
Car l’abondance d’éléments, de personnages et de motifs finit par dynamiter l’équilibre narratif, que Du Welz croit pouvoir ressouder par la surenchère horrifique. La plongée dans les caves des monstres dérive vers une sorte de relecture de Massacre à la tronçonneuse, les comédiens en roue libre pouvant s’en donner à cœur joie dans des figures grotesques et dégénérées. Entre l’exercice de style et la complaisance, la frontière est plus que poreuse. La séquence de la VHS dans la fourgonnette, où l’on fait jouer des enfants, pose vraiment question en termes de nécessité, de tact et d’intentions.
La dissection d’un ratage institutionnel se mue donc assez rapidement en un bourbier cherchant surtout à éprouver le spectateur. Mais le pire est à venir.
Car si le cinéaste est descendu si bas dans la fange, c’est bien pour récompenser plus tard le spectateur. Il le dit lui-même : « J'ai voulu pousser mon récit vers la fiction, jusqu'à l'uchronie, jusqu'au fantasme de justice dont nous avons été privés par ses nombreux dysfonctionnements. » et d’ajouter : « Mais c'est en voyant Once Upon a Time .. .in Hollywood de Tarentino, film qui m'a fasciné sur le traitement de l'affaire Manson, que j'ai eu un déclic en réalisant que je pouvais faire un vrai film de cinéma, tout en rendant un peu de dignité à ceux qui ont été bafoués dans l'affaire. Car mon principal souci était de réaliser un film de cinéma pour qu'il soit le plus haletant possible, tout en étant à hauteur d'homme. »
Et donc : le gendarme retrouve le coupable lors de sa fuite, l’écoute ricaner sur le fait qu’il ne pourra rien faire, et le bute de sang-froid. Encore un beau retour aux années 70, en mode Inspecteur Harry ou Justicier dans la ville, cette fois. Après la complaisance dans l’horreur, la satisfaction de la vengeance, tout en maintenant l’idéal du martyr, notre héros finissant en taule, non sans avoir débusqué un joli complot impliquant de très hautes figures de l’état.
Ce n’est pas un film à hauteur d’homme, mais au niveau d’un spectateur qu’on suppose assoiffé de sensations fortes. Pour la dignité, on repassera, et l’on conseillera, dans des thématiques approchantes, le poignant et pudique Julie se tait qui sort dans deux semaines.
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le 15 janv. 2025
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