En argot, un "doulos" est un chapeau et par extension, un indic, un donneur parce qu'il porte le chapeau comme les policiers à cette époque. C'est un film noir dans la tradition des films français des années 50, comme Du rififi chez les hommes ou Touchez pas au grisbi, même s'il témoigne du goût que Melville portait au film de gangsters hollywoodiens. Mais c'est un film très marqué par le polar réaliste français dont il se plait à retrouver les rapports entre flics et truands et le fameux "code de l'honneur". Comme les héros du Cercle rouge ou du Samouraï, ceux du Doulos sont marqués par le destin, un destin tragique qui peut soudain opposer les amis les uns aux autres et créer des relations ambiguës entre monde de la pègre et police ; la solitude transparait ici, tout comme elle marquera l'ascétique Samouraï, de même que l'enveloppe de la trahison comme dans le Deuxième souffle... tous ces thèmes se retrouvent dans les films de Melville.
Mis en scène avec une éblouissante dextérité mais de façon sobre (les premiers plans sont d'une rigueur qui témoignent du style de Melville), ce scénario au suspense psychologique est relativement complexe, et se maintient jusqu'à la fin, car volontairement le récit n'est pas clair, on voit agir Silien sans avoir l'explication exacte de ses actes. Le réalisateur conserve une ambiguïté aux rapports de Silien avec le milieu et la police, et le thème de l'amitié virile se greffe là-dessus, faisant de Melville l'un des rares réalisateurs français (avec Jacques Becker) à donner une épaisseur humaine aux personnages de la Série Noire. Dans ce face à face au climat réaliste et tragique, Belmondo et Reggiani sont remarquables, épaulés par la présence de Jean Desailly dans le rôle du commissaire. Un polar français essentiel, transformé en tragédie moderne.