Ce que je trouve admirable dans Le Doulos de Melville c'est la sobriété du film, de la mise en scène. Je parle bien de sobriété et non d'effacement. Melville prend un pas de recul tout en n'oubliant pas ses grandes qualités de metteur en scène. Il livre ici une réalisation simple, sobre pour coller au style du roman noir "de gare" qu'il adapte, connus pour leur style très sommaire, privilégiant une fluidité rythmique aux envolées textuelles complexes.
Melville joue avec ça et joue avec le spectateur constamment, offrant de nombreuses figures de répétitions, annonçant tantôt la mort d'un personnage, tantôt la mise en place d'un piège. C'est avec ces indices implicites que Melville s'amuse à jouer avec le spectateur et à lui offrir exactement ce pourquoi il était venu à la base : un film de truands, leurs relations avec la police, pièges, trahisons, faux semblants. C'est ainsi que Melville dévoile toute son intrigue limpidement au spectateur, tout en lui enlevant certaines clés (visage de l'homme qui sauve Maurice du braquage raté, mort accidentelle de la jeune femme, rancœur de Reggiani) pour laisser naître le mystère de lui même et le laisser infuser le récit.
La mise en scène de Melville est aussi extrêmement sonore car très silencieuse, toute la séquence finale sans aucune musique, très peu de dialogues, la piste sonore étant occupée presque exclusivement par cette pluie incessante venant chercher cette atmosphère pesante.
C'est un film prototype du film noir à la française et c'est à l'un de nos plus grands réalisateurs qu'on le doit, qui a su parfaitement mener son film pour nous offrir un des plus grands polars de notre cinéma.