Troisième film noir à la française de Melville, après Bob le flambeur (1956) et Deux hommes dans Manhattan (1959), Le Doulos marque une accélération dans la carrière du cinéaste (futur auteur du Cercle Rouge, du Samouraï et de L'armée des ombres). Écrit et tourné avec empressement, ce polar innovant va retenir l'attention de nombreux cinéphiles et ouvre une série de films qui ont profondément marqués des cinéastes comme John Woo, Tarantino ou Winding Refn. Les concepteurs de la Nouvelle vague française (Truffaut en tête) se réjouissent et Melville devient un de leurs référents.
Le Doulos ('chapeau' en argot et 'indicateur de police' pour les flics et les malfrats) est caractérisé par des manières à la fois éthérées et violentes, les liens retors entre le banditisme et les forces de l'ordre, le cynisme, voir l'aigreur active de cette combinaison d'univers. L'air est lourd dans le Paris du Doulos, la capitale semble située dans les limbes, les espaces sont étriqués. Le spectateur n'est pas tenu par la main ni rassuré par des repères clairs : aucun manichéisme et surtout, une absence d'ambitions réalistes, soulignée par le récit très éclaté et une propension à la pose solennelle (dont Serge Reggiani est l'objet privilégié). Admirateur de certains cinéastes classiques (Wyler surtout) et férus des films bis à base de gangsters, Melville est un styliste tourné vers l'Amérique.
Il rend cette fois clairement hommage au film noir américain et tend à le pasticher. Le commissariat est calqué sur celui de Carrefours de la ville (pré-film noir de 1931) avec Gary Cooper, des éléments anglo-saxons sont introduits (les fenêtres à guillotine). Parmi les quelques 'gueules' habitant ce film élégant, Belmondo trouve un de ses rôles les plus marquants : sa fausseté n'est obscène qu'à de rares moments (simulations de la douleur), dans l'ensemble sa présence en fait une pièce complémentaire au climat général. Jouant ironiquement le gentleman pour ses victimes, c'est au milieu des prédateurs pessimistes un parfait salaud immature, pétillant et bluffeur, accroché à quelques artefacts romantiques. Il est la décevante once de lumière, infantile et sans mystère.
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