L'appréciation du rythme d'un film appartient à chacun. The Duel est tout sauf un western nerveux, bien loin de l'aspect clip et cliché de Mort ou vif (1995) de Sam Raimi, mais bien plus proche de productions semi-horrifiques comme Bone Tomahawk (2015) de S. Craig Zahler ou fantastiques comme Le village (2004) de Night Shyamalan . A la différence de ce dernier, il se passe quelque chose dans The Duel, mais cela manque singulièrement de chair.
L'histoire est celle d'un Texas ranger, envoyé après les guerres indiennes à la frontière mexicaine où justement les mexicains viennent à manquer à l'appel. On en trouve bien quelques un, mais tous sont morts et l'hécatombe inquiète. Liam Hemsworth, crédible mais un brin trop monolithique, part en infiltration dans ce no man's land où la loi s'avère inexistante. Accompagnée de sa femme qui n'en peut plus d'avoir épousé un courant d'air, elle même d'origine latine, il va découvrir une communauté sectaire dont les habitations, les coutumes et les apparences ont tous les attraits d'un paradis, alors que les liens, les rites religieux et la culture de l'omerta trahissent un envers du décor beaucoup plus sombre. Que se passe t-il donc dans ce coin perdu situé à quelques kilomètres de la frontières, et qui sont ces gens qui ne reconnaissent comme guide que l'énigmatique Abraham, prêcheur au passé de meurtrier sudiste sadique. Le héros, dont le père fut naguère occis par le fameux gourou de la communauté il y a de cela 22 ans, avance pas à pas sur un chemin pavé de sang et de non-dits.
Les acteurs sont bons, Alice Braga en épouse perdue est toujours excellente (on se souvient de son rôle de sniper israëlienne dans Predators (2010) ), et Woody Harrelson est magnétique, inquiétant. Sur ce point, peu de faute de goût sinon la direction de Liam Hemsworth dont le jeu est un poil trop aride, cependant sa belle gueule et son charisme en font un candidat crédible pour un western plus ambitieux, en tout cas plus crédible qu'Eastwood junior, Scott, qui ne m'avait pas renversé dans Diablo (2015). Le scénario a un fort potentiel, et permet véritablement de partir dans plusieurs directions, plusieurs genres.
Ce qui coince dans ce métrage c'est le rythme. On peut être lent et servir les phases d'action, violentes, frénétiques ou sèches, comme dans The Dark Valley (2014), ou permettre une montée crescendo de l'angoisse et de l'horreur comme dans Bone Tomahawk. Le concept du farwest, lieu de perdition loin de tout cadre légal est un classique, depuis l'homme qui tua Liberty Valance (1962) de John Ford à Open Range (2003) de Kevin Costner qui offre bien des possibilités. L'idée d'un havre de paix renfermant une communauté autiste et xénophobe est également une base de départ enthousiasmante. Mais son traitement est faible. Pas assez poussé. Les décors semblent tenir sur une aire de trois kilomètres sur trois, c'est tout juste si l'on distingue quatre ou cinq pistes entre les broussailles en bord d'une fleuve boueux (le Rio Grande), et les maisons fondant le hameau sont trop nettes, on les croirait sortie d'un catalogue avec ses pavillons témoins. Cet Ouest est trop propre, trop aseptisé, ce qui, reconnaissons le, cadrerait parfaitement avec la nature quasi mystique du lien unissant cette communauté assimilable au mormonisme. Mais dans le traitement de l'histoire, censée faire naitre l'angoisse, on ne s'y retrouve pas. Les guerres indiennes sont évoquées, de grandes batailles de la guerre de sécession, des massacres de civils, des scalps.... et point de tout cela. L'évocation ne vaut pas action, encore faut il pour y parvenir être subtil, prendre le temps et saisir le bon moment. Les personnages ont tous un passé chargé, quelques flashback comme dans Desperado de Rodriguez auraient été les bienvenus pour donner de l'épaisseur au propos et aux personnage.. du corps, du corps, ce film manque de corps.
Et quand vient l'action, celle ci manque de punch, manque de cruauté, manque de cette énergie propre à susciter en nous des émotions malsaines, contradictoires, une excitation, une peur, une satisfaction... Une partie de l'action se passe à travers le regard, tapis, du ranger enquêtant, et quelque part cette distance nous détache de toute émotion. La violence n'est pas assez crue, la magie pas assez sordide, tout cela manque cruellement de consistance. Néanmoins, le film se laisse voir assez facilement et n'est pas exempt d'une certaine aura, grâce, grandement à Alice Braga et bien sûr Woody Harrelson.
Loin d'être mauvais, loin d'être incontournable, ce Duel n'est pas l'alternative au Lexomyl détruit par une certaine critique. Diablo m'a semblé bien pire en la matière. Il emporte l'adhésion pour le propos corrosif, l'idée de départ particulièrement dérangeante, mais son traitement aseptise cruellement un métrage qui aurait mérité un autre réal, et sans doute un cahier des charges plus racé, plus osé. Diablo avait en lui les germes de ce qui manque à The Duel et une meilleure photo, mais il faut rendre grâce à The Duel d'avoir su jouer avec ses armes sans chercher à être ce qu'il ne pouvait atteindre.
6/10