En 1962, Dino Risi fait appel à Vittorio Gassman, alors au sommet de son art, pour incarner le Fanfaron, un homme à femmes et à voitures. Le réalisateur lui choisit comme compagnon d’échappée un jeune acteur au début de sa carrière : Jean-Louis Trintignant. A l’arrivée, un bijou de la comédie italienne qui reconsidère la Dolce vita sous l’angle de la satire sociale.
Road-movie à l’italienne
A bord de sa Lancia B24, Bruno Cortona (Vittorio Gassman) cherche désespérément un bureau de tabac ouvert. Mais en ce 15 août, Rome est désertée. Il rencontre par hasard Roberto (Jean-Louis Trintignant), un étudiant qu’il convainc de l’accompagner dans une virée en voiture. Bruno le fonceur et Roberto le timide partent dans un road movie à travers le Latium.
La Lancia décapotable, véritable personnage en soi, déboule dans ce paysage comme un chien fou : ça pétarade, ça vrombit, ça klaxonne à tout va, à l’image d’un Bruno survolté qui a décidé de ne respecter ni l’ancien monde (celui des traditions) ni le nouveau (celui du boum économique). Ainsi des prêtres victimes d’une crevaison qu’il envoie balader d’un « No habemus cricus » irrévérencieux ou de la femme d’un riche client d’affaire dont il fait la conquête d’un soir.
Un duo réussi
De fait, l’idée magnifique de Dino Risi est d’avoir associé deux personnalités aussi différentes que celles de Bruno et Roberto. Un duo improbable qui constitue le ressort comique principal du film. L’aplomb de Bruno autant que sa désinvolture emportent tout sur leur passage. Une véritable tornade à laquelle Trintignant répond par une composition non moins réussie toute en hésitation et maladresse.
Pour autant, on aurait tort de réduire ce duo antagonique à une simple opposition de l’impulsion face à la réflexion. Derrière ses airs de butor écervelé, Bruno est en réalité beaucoup plus fin qu’il n’y parait. Bien plus qu’un Don Juan irrespectueux il ressemble davantage à une sorte de bouffon de la modernité, certes pris au piège de ses propres turpitudes mais aucunement naïf quant à l’hypocrisie de ses concitoyens.
La question du point de vue
C’est précisément sur la question du point de vue que le film nous prend à revers. En effet, Dino Risi opte pour une voix off qui tout au long du film nous fait entendre les pensées de Roberto. Dès lors on s’identifie à lui et ceci d’autant plus que le jeune étudiant semble sous l’emprise de son compagnon d’aventures. La voiture, qui oppose le champ de l’avenir (la direction qu’elle prend) au contre-champ du passé (qu’elle laisse derrière elle) symbolise bien cette idée. C’est Bruno et lui seul qui impose sa conduite et leur trajectoire. De sorte qu’il n’y a jamais d’échappatoire pour Roberto à cette fuite en avant dans laquelle le spectateur se retrouve lui-même piégé. Jusqu’au dépassement final qui nous laisse dans une grande confusion d’esprit.
Personnages/interprétation : 10/10
Scénario/histoire : 8/10
Réalisation/photographie/musique : 9/10
9/10
Critique originale publiée sur le MagduCiné