The Ghost of Yotsuya, à ne pas confondre avec le film du même nom, sorti la même année, mais mis en scène par Nobuo Nakagawa, est réalisé par Kenji Misumi, célèbre pour sa saga des Baby Cart et pour avoir mis en images quelques-uns des meilleurs opus de la saga Zatoichi. Le film se base sur la célèbre pièce de théâtre kabuki écrite en 1825 par Nanboku Tsuruya IV, Tōkaidō Yotsuya Kaidan, qui nous conte un récit profondément ancré dans la culture japonaise, une des histoires de fantômes les plus célèbres au Japon au point qu’elle a été adaptée plus de 30 fois au cinéma. The Ghost of Yotsuya suit le destin tragique de Iemon Tamiya, et surtout de sa femme Oiwa qui va subir des tortures physiques et psychologiques avant de trouver la mort et de revenir , en proie au désir de vengeance, hanter ses bourreaux mais aussi son mari avide de pouvoir et d’opportunités. Un film dont le rythme et la construction pourront dérouter mais qui pourtant est une excellente réussite.


Bien qu’il s’agisse d’un de ses premiers films, Kenji Misumi fait déjà ici preuve d’énormément d’audace dans sa mise en scène. Déjà, visuellement, The Ghost of Yotsuya est un pur régal pour les yeux, des décors studios usant de matte painting aux costumes réellement sublimes, dans des cadrages millimétrés où le sens du détail prend toute son importance. Le style visuel de Misumi est très maitrisé, il joue avec les éclairages pour intensifier le surnaturel, ses cadrages se montrent parfois très oppressants, et dès que le fantôme fait son apparition, la palette de couleurs change, se fait plus sombre, avec des ombres qui prennent bien plus d’importance. Le surnaturel n’arrive que dans les 20 dernières minutes, Misumi préférant se concentrer sur le drame historique mâtiné de chanbara qui composent la première heure du film, ce qui lui permet, à travers ses personnages et le patriarcat omniprésent, de faire une critique de la société féodale japonaise de l’époque où les individus se marchaient les uns sur les autres dans une lutte de pouvoir incessante où l’ambition personnelle était omniprésente. Lorsque la tragédie finit par arriver, c’est le karma qui prend le relais et qui va se manifester par le surnaturel, par l’arrivée de ce fantôme vengeur, qui montrera que des actions immorales, des actes cruels et/ou de trahison, mènent forcément à des conséquences tragiques. Bien qu’aujourd’hui, les scènes horrifiques ne suscitent plus réellement la peur tant les fantômes ont été vus et revus au cinéma, elles restent néanmoins inquiétantes et très réussies, comme lorsque cette main sort de ce seau d’eau ou que le visage déformé et abimé de Oiwa fait son apparition dans la pénombre. The Ghost of Yotsuya a beau avoir 65 ans, son final reste toujours aussi oppressant.


Bien qu’il semble un peu déformer le matériau d’origine pour en faire quelque chose de peut-être plus contemporain, Kenji Misumi signe avec The Ghost of Yotsuya un film plus axé sur l’exploration d’un mariage qui commence à s’effondrer sur fond de drame historique que sur le surnaturel pur et dur. Le résultat est très élégant, assez marquant, en particulier dans sa dernière demi-heure.


Dossier sur les fantomes japonais ici : https://www.darksidereviews.com/sortie-le-coffret-daiei-kaidan-de-roboto-films/

cherycok
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le 5 déc. 2024

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