Sublimé par sa photographie, Le Fils préféré sonde les failles de la masculinité que Nicole Garcia a l’intelligence de décliner par le biais de quatre personnages tous différents les uns des autres, pourtant rassemblés sous les dénominations de « famille » et de « liens du sang ». L’ouverture est, à ce titre, des plus éloquentes : le patriarche y apparaît affaibli, à peine rhabillé alors qu’il sort de la salle de bain de sa résidence médicalisée ; nous avons l’impression de retrouver l’empereur Hadrien mis à nu par Marguerite Yourcenar dans les Mémoires factices qu’elle lui consacre (1951). La suite procède par révélations successives, creusant davantage une distance entre les êtres que les notions de pardon et d’autocritique combleront, du moins jusqu’à la clausule. L’interprétation magistrale des comédiens – il s’agit certainement du meilleur rôle de Gérard Lanvin – confère à chacun une personnalité singulière et sensible, à laquelle le spectateur croit. La précision de la mise en scène capte bien leurs égarements identitaires et géographiques, entre France et Italie : le cadre tend à les enfermer dans leurs caractères alors même qu’il ne cesse d’être dynamique, d’ouvrir une fenêtre vers un ailleurs lumineux mais qui échappe encore et encore. Une œuvre magnifique.