L’utopie de la cité
Il existe en ce moment une sorte de consensus général sur le fait que le cinéma français vivrait une période de faiblesse après des décennies d’un équilibre réussi entre auteurisme et films...
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le 12 sept. 2023
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Je ne lis aucune critique du film publiée sur le site, afin de donner mon avis brut de décoffrage, sans me laisser influencer par les avis d'autres SensCritiqueurs. Je vous le livre tel que dans ma tête au sortir de la projection.
Comme je savais quand même le genre de film que j'allais voir, le titre du film et le nom de son réal. me donnant quand même un minimum d'infos, l'intro — non pas les toutes premières images, mais les premières scènes ou séquences, d'abord dans un appartement de banlieue, puis dans une église, avec un long cérémonial, des plans sur des visages qui ne nous disent rien mais qui sont en harmonie avec la cérémonie, la chanson filmée intégralement sans qu'un couplet ne manque, la crise de larmes du personnage mis en scène dès les premières minutes du film, l'espèce de lente majesté de tout ça, raconté avec assez peu d'ellipses — m'a surpris et décontenancé, genre : ben quoi ? ben alors ? Il est où, Melville ? (J'avais quand même lu, dans Allociné, les brefs extraits des critiques professionnels). L'intro dure quinze bonnes minutes et on n'a pas progressé, semble-t-il, d'un pas dans le montage et l'exécution du casse (puisque casse il doit y avoir) et de ses conséquences. Quand même, on se dit que c'est bien filmé, que la prise d'images est assez belle, qu'il y a un beau noir et blanc, qu'une certaine atmosphère de banlieue tristounette et silencieusement désespérée a été installée et que cet homme (on saura qu'il s'appelle Monsieur Pons) sur lequel le film s'ouvre, doit y jouer un rôle, un rôle supposément dans le casse, donc dans le gang, dont on ne nous a toujours rien dit, mais promis dans le titre (qui, au passage, est bon et relativement mémorable : "des Bois du Temple" ? C'est quoi, ces "Bois du Temple" ? Renseignements pris, ils se rapportent à Clichy-sous-Bois, banlieue limitrophe de Montfermeil, au nord-est de Paris, en Seine-Saint-Denis, où se déroule en grosse partie l'histoire. Mea culpa, je n'avais pas identifié les lieux). On se dit aussi que ces 15-20 minutes, c'est autant de retirer au dur du film... (avant d'aller le voir, je m'assure toujours de la longueur d'un film et celui-ci est d'une heure 53 ou 54). Et puis... un deuxième personnage masculin prend le relais du premier et lui doit se rendre dans un garage, mais ce qu'il en dit à sa jeune meuf (dont il a deux gosses en bas âge) paraît embarrassé et fumeux (quand c'est flou, c'est qu'il y a un loup) et là, on comprend qu'on est vraiment au tout début de l'action, aux prémices du casse, quel qu'il soit. Et soudain, tout un arsenal d'armes est déballé, je veux dire : sorti, sans qu'on s'y attende véritablement et sans qu'on ait eu le temps de faire vraiment connaissance avec les membres du gang et de saisir qu'elle sera la nature du casse. Et puis on est au coeur de l'action. Et on connaît l'excitation de la surprise. On se demande comment la bande (composée en bonne partie de laissés-pour-compte des banlieues fraîchement reconvertis dans le petit banditisme) a pu monter ce genre de casse, d'où lui venaient les infos, etc. On se pose plein de questions et on doit les résoudre avec les moyens du bord. On pense que ça va merder d'une façon ou d'une autre, mais non. Le casse est réussi ; le gang boit du petit lait. C'est pas le casse du siècle, mais quand même un joli coup. Il y a des liasses et des liasses de billets de 500 €, chacun s'en met plein les fouilles. Les plus expérimentés donnent aux novices des conseils de prudence concernant la façon de dépenser tout cet oseille. Et... nous voilà au milieu du film. Qu'est-ce qui va se passer maintenant ? À vous de voir. Je ne vous en dirai pas plus évidemment, Rabah Ameur-Zaimeche serait pas content et comme j'espère qu'il nous fera un prochain film dans pas trop longtemps, il faut que Le Gang des Bois du Temple lui rapporte (surtout qu'il est, je crois, son propre producteur) suffisamment de sous. Donc : motus sur la suite de l'intrigue... en espérant que vous voilà intrigués.
Plutôt bon film. Il y a une séquence qui m'a assez étonné et que j'ai trouvée culottée, mais je n'en parlerai pas, parce que ça serait vous dévoiler des détails de l'histoire dont je n'ai rien dit ; elle intervient vers la fin du film et elle se passe dans une boîte (de nuit) arabo-maghrébine.
C'est un film qui tait beaucoup de choses et qui, par contre, développe à loisir les choses simples de la vie de tous les jours : des scènes de bouffe (ou de fabrication de crêpes), d'établissement de tiercé ou de "quintet" (j'y connais rien dans le domaine des paris sur courses de chevaux), ou de petits enfants qu'on met au lit et qui tardent à s'endormir.
Et les scènes capitales, le réal. vous donne souvent juste assez d'éléments pour que vous puissiez les imaginer mais sans que vous puissiez vous repaître de leurs images. Quelques scènes d'action quand même, mais sobres, mutiques, en partie off. D'où, je pense, le "ça rappelle Melville" des critiques professionnels.
Je me répète : c'est un plutôt bon film, réalisé avec un minimum de moyens et sur un scénario dont l'écriture un peu étrange est probablement due à ce manque de moyens qui exclut impérieusement certaines scènes trop dispendieuses à réaliser.
Je n'ai identifié, parmi les acteurs, qu'un seul visage connu, une "tronche", mais je serais incapable de vous donner spontanément son nom, il joue le rôle d'une sorte de deus ex machina, les cinéphiles le reconnaîtront sans peine dans la deuxième moitié du métrage, il a des paupières bouffies, des yeux chargés, comme injectés de sang ou de je ne sais quoi (bon, on me souffle dans l'oreillette que c'est Slimane Dazi).
À la réflexion, je mets quand même "7" au film, mais c'est un petit "7", parce que le scénario montre quand même, à mon gré, trop de trous, trop de questions sans réponse ; ça ajoute au mystère, mais je trouve ça un peu facile.
N'empêche que je vous recommande ce Gang des Bois du Temple (ses 114 minutes). On ne s'y ennuie pas. Et le réal. fera sûrement encore parler de lui dans les prochaines années.
- Ben, et Monsieur Pons, alors ?
- Ah, Monsieur Pons...
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Créée
le 20 oct. 2023
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