Je tiens juste à exprimer ici ce que je pense être la grande force du film et qui fait de lui un chef d’œuvre d'écriture à travers quelques courtes scènes entremêlées. J'avais pléthore de choix mais il a l'avantage d'être très facile en terme d'approche explicative et de coller au mieux au thème central du film.
Très vite en début de film on nous montre Ren (pas encore devenu Kyuta, nouveau nom très significatif à ses yeux à mesure qu'il grandit (1) ), je m'égare déjà, bref on nous montre Ren "créer" - sans le savoir - une sorte de clone d'ombre d'un lui-même haineux faisant ainsi écho à ses pensées noires et misanthropes. C'est un peu le Kira en devenir du jeune garçon. Par la suite il évolue très positivement, aidé en cela par quelques soutiens rares mais précieux, mais cette part sombre continue de vivre en lui comme en chacun de nous.
Sur le papier on est dans le cliché (qui n'est foncièrement mauvais que parce que trop attendu) et le film pourrait à son tour ne pas se démarquer de cette nasse narrative. Ce qu'il évite pourtant.
Plus tard, enfin "devenu fort" donc, et après une dispute de fond troublante avec son père retrouvé, Kyuta se voit à nouveau confronté à ce clone d'ombre dans un miroir (et entre ces deux scènes on nous parlera de Moby Dick comme d'un "miroir" du Capitaine Achab) d'où il se voit mentalement submergé par le "vide" qu'il symbolise. Il se souvient et comprend car son futur apprend de son passé (littéralement et métaphoriquement) en se questionnant lui et ses proches. Et dans son cas cela passe par une phase de dépression/désespoir surmontée grâce à l'entraide à ce moment là humaine car faisant suite à celle dans l'autre monde qui était d'ordre spirituelle. Une nouvelle force est acquise. C'est beau et intelligent car il n'en fallait pas plus pour arriver à exprimer autant.
Là où une mise en scène classique, surtout pour un film grand public faisant intervenir des personnages enfants ou ados, illustrerait la chose de façon plus "vulgaire" telle qu'en nous le faisant céder à ses pulsions noires, une sorte d'apprentissage à la dure (mais spectaculaire et fascinant) avant de finalement s'y reprendre (ou pas, pour les films plus nihilistes/pessimistes). D'autant plus tentant que l'univers du film contient magie et surnaturel.
Ou bien encore plus sobrement en faisant intervenir à l'écran des animations d'Anges & Démons autour du visage de Kyuta, manière d'illustrer le conflit interne et la possible victoire du mauvais être. Ou de manière plus orthodoxe en refaisant le débat en voix off audible seulement par nous et Kyuta. Autant de choix qui ne sont pas nécessairement mauvais là encore puisque ça dépend au final de l'exécution mais ce sont souvent des procédés narratifs qui réagissent plus aux stimuli extérieurs qu'ils n'essayent de faire d'abord sens au propos du film ou de la scène. Ce qui n'arrive JAMAIS dans Le Garçon et la Bête. De l'art de trouver le choix adéquat.
Tout simplement, à mes yeux, un chef d'oeuvre d'écriture au cinéma (2).
Notes :
(1): Le nom de Kyuta (soit 9) est également significatif en dehors du film puisque c'est une métaphore bouddhiste Nichiren qui fait référence à plusieurs niveaux de consciences chez l'être humain, le neuvième étant le "soi véritable" (Freud n'a décidément rien inventé de nouveau et il faut surtout rendre honneur à son talent d'autodidacte... à l'instar de Kumatetsu ? Oui j'ose ! A moindre degré bien entendu et ce serait probablement présent de façon inattendue par Hosoda).
Présence logique (et appuyée du reste) pour un film japonais sur l'apprentissage de la maîtrise de soi. On peut d’ailleurs se demander jusqu'à quel point Ren/Kyuta comprend cela lorsqu'il insiste pour conserver ce nom.
Pour plus de précision : ici
(2) : L'écriture dans un film concerne aussi la mise en scène (j'aime à penser plus encore en Animation) et c'est le sens de mon rajout "au cinéma". C'est un des langages propre au cinéma. Et au théâtre aussi mais c'est la même filiation.