Lorsque le jeune Ren perd sa mère et comprend que son père l'a abandonné, sa foi en l'humanité disparaît et il décide alors de fuir. Par un curieux hasard, il pénètre dans le Jutengai, un monde parallèle à celui des Hommes : celui des Bêtes. Là, il y fait la connaissance de l'une d'entre elles et devient son disciple car Kumatetsu - de son petit nom - a besoin d'un apprenti pour pouvoir prétendre au statut de Seigneur des Bêtes.
Si les ficelles narratives du dernier film de Mamoru Hosoda n'ont rien de subtiles ni de follement originales, force est d'admettre que l'univers dépeint par le réalisateur de Ame & Yuki ou encore de La traversée du Temps est époustouflant. Le Jutengai renvoie directement à un Japon féodal mais habité par des bêtes anthropomorphiques stylisées avec panache et originalité. Cela donne un univers aussi fouillé que dépaysant et, surtout, vecteur de l'Imaginaire. Une pure réussite artistique à même d'émerveiller petits et grands.
Rapidement on réalise que l'intrigue repose sur la thématique père-fils à travers le prisme de la relation maître-élève qui lie un Kumetatsu bourru à un Ren (rebaptisé Kyuta) indiscipliné. Bien que l'évolution de la relation soit prévisible, la magie opère car non seulement le thème est traité avec respect mais a fortiori le personnage de la Bête est attachant et facilite l'immersion du spectateur dans un Jutengai des plus fascinants.
Ainsi, lorsque Ren est amené à retourner dans le monde contemporain des hommes, c'est un peu frustrant car on retrouve un univers plus terre-à-terre qui sonne comme un fade retour à la réalité. Reste que cette partie du film est des plus correctes et si les couleurs chatoyantes du Jutengai ainsi que son ambiance légère sont remplacées par la grisaille tokyoïte et son atmosphère morose, c'est bel et bien pour nous rappeler que notre monde n'est pas au premier abord un microcosme fantasmagorique. Ce qui est bien dommage d'ailleurs...
Par contre le retour sur Terre s'accompagne malheureusement d'une trop forte pression à valeur didactique pour assener la morale du film. Ce n'est pas la nature de cette dernière que je conteste mais bien la lourdeur qu'elle impose au récit pour les plus grands. Et si on peut mettre la métaphore pataude de Moby Dick sur le dos de la volonté de rendre le tout accessible aux plus jeunes, cela n'excuse pas le traitement bâclé réservé au personnage du père biologique de Ren.
Indéniablement le monde des Hommes fait pâle figure en comparaison de celui des Bêtes. Mais l'un comme l'autre jouissent de dessins fins et soignés, d'une bande son tantôt mélancolique tantôt propice à l'aventure et d'une animation absolument irréprochable, que ce soit dans la gestion de la foule ou dans les combats aussi impressionnants graphiquement qu'admirablement chorégraphiés. Concrètement, on en prend constamment plein la vue et certains plans sont juste sublimes.
Pour moi Le Garçon et la Bête est le film le plus abouti de Mamoru Hosoda. Que ce soit d'un point de vue technique, artistique ou thématique, le réalisateur s'en sort admirablement bien. Alliant la force du conte aux sujets universels de l'héritage et de l'éducation, Hosoda nous gratifie d'une oeuvre aussi dépaysante que contemporaine tout en alternant les moments émouvants et ceux teintés de plus de légèreté et de bonne humeur.
C'est un film qui m'a ému et de ce fait je ne peux pas résister à l'envie de vous le recommander.