Connaissez-vous la série de tableaux « L’île des morts » de Arnold BÖcklin, je vous invite à y jeter un œil, et reconnaître l’un des arcs de ce film, où le petit Mahito, perdu dans un monde imaginaire se laisse conduire par un passeur, sur une île où naissent avec poésie les Warawara. L'Ile de la mort n’est donc pas si triste, ceux bloqués dans le monde d'en bas font naître avec volupté ceux d’en haut. Seulement, dans ce monde, les pélicans meurent de faim, car la mer n’abonde plus des ressources vitales à leur existence. Ce monde imaginaire semble reposer sur un équilibre insignifiant qui se dérobe chaque jour un peu plus, ce monde tiendrait de celui qui souhaiterait succéder à son créateur, un monde fragile qui repose sur l’imaginaire d’un seul homme. Seulement le petit Mahito, ne souhaite pas en faire partie, il comprend que la réalité du monde n’est pas celle de l’imaginaire, que le combat ne se mène pas dans le monde d’en bas, mais bien en haut, dans le vrai monde.
Miyazaki nous donne une œuvre compliquée à disséquer tant sa simplicité nous un offre un sentiment de morosité, le sentiment d’être passé à côté d’un message. Alors, sur le trajet retour, on y repense, sans trouver plus d’indications, on pense très vite au film de trop. Mais il y a cette fin, sans trop de saveur, pourtant le « on s’en va » du père de Mahito résonne dans ma mémoire. Je pense directement à un hommage, à son cinéma, en effet beaucoup d’indice y sont laissées, un peu partout, que nous devons trouver pour comprendre un message qui nous échappe. Il y a des évidences, les sept grand-mères, les talismans qui l’ont accompagné au cours de ses différents films, un père différent avec qui on ne peut vraiment discuter et un héron malveillant qui représente sûrement une industrie qui nous pousse à la réussite au Box-office (un ami finalement). De même, un surprenant clin d’œil au studio outre-pacifique, avec la figure de blanche neige qui nous est proposée. Une supposée guerre entre ceux qui aime et déteste, ceux qui pense être courageux quand ils prennent parti, mais finalement si le courage n’était pas le juste-milieu entre la lâcheté d’aimer et la témérité de détester.
Alors tout cela, semble tiré par les cheveux, pas vraiment. Nous le savons l’écrin, la plume de notre gourou d’animation japonaise est proche. Il se doit de passer le flambeau. Ah bon ? Alors pourquoi finir ainsi, sur une fin où il recherche un successeur impossible, un déséquilibre sur son monde. "Le successeur n’existe pas, c’est mon œuvre et c’est tout". Mais non, le message est bien plus important, nous discutons avec des perruches mangeuses d’hommes, représentant notre propre aliénation, nous les fans qui mettons ses films au-dessus de tous les autres. Nous sommes ainsi les juges du succès ou non de ce qui essaye de trouver la sensibilité. « Maman Natsuko » crié désespérant par Mahito dans la chambre où l’on donne la vie à un enfant qui nous est impossible à connaître, représente à mon titre notre hystérie capricieuse vis-à-vis de nos attentes pour la suite.
Ce film est donc un clappe de fin (à moins que) merveilleux, car il est une parfaite image de ce que Ghibli a été, un voyage avec pour frontière notre imaginaire, car oui peut être que les enfants ont cette fois mieux compris le film que nous, sans en connaître véritablement tous ses secrets. Seulement, je n’aurai jamais deviné Blanche-neige sans le cri d’une gamine deux rangé derrière mes yeux. J’étais tellement déçu à sa sortie, frustré de ne rien avoir compris, de ne pas avoir trouvé une sensibilité à ce film, mais j’ai essayé de comprendre ce qu’il voulait nous dire, alors je me suis fait ma propre réponse, qui a directement éveillé l’enfant caché sous cette carcasse qui avait l’espoir de retrouver ce qu’il aimait chez Myazaki. Mais je n’ai pas eu ce droit, en échange il m’a offert l’enfant que j’avais oublié en moi.
Merci Miyazaki.