Août 2010:

A la fin du film, je suis marqué par la structure du film, plutôt original pour l'époque : il n'y a pas vraiment de début, de développement ni de fin. On suit plutôt le personnage dans une tranche de sa vie. Gilles Grangier nous invite à le suivre pendant quelques temps, suffisamment pour le connaitre dans ses aspects les plus divers, de la plus généreuse tendresse à la plus grande mauvaise foi. C'est Madeleine Robinson qui par les mots délicats de Michel Audiard résume le mieux, le plus tendrement le personnage. Elle le remercie d'être resté tel qu'elle s'en était souvenu : un enfant.

Le cinémascope de Gilles Grangier se marie parfaitement à l'exercice de filmer le monde des courses. Les hommes ne sont pas si larges mais leur horizon peut se limiter à celui des gazons foulés par les canassons. C'est à ce monde à part, comme dans une bulle qu'Audiard et Grangier nous convient pendant une heure et demi.

D'abord, le passeur de plat s'appelle Jean Lefebvre. Pour une fois son personnage n'est pas juste qu'un imbécile au regard bovin, il est l'acolyte plein de déférence pour le commandant Gabin, maitre arnaqueur des turfistes du dimanche. D'ailleurs ne retrouve-t-on pas dans le dernier plan ces deux aimables escrocs saluant les mêmes duchesses qu'au début du film? La boucle est bouclée ou la tranche de vie est tranchée. L'épisode de leur existence n'a ni début ni fin, il est juste un temps pris sur la vie de ces messieurs. Nous en sommes les témoins.

Au spectacle ce soir, le talent des comédiens, magnifié par la truculence mais surtout l'élégance des dialogues d'un Michel Audiard au sommet de son art jouant à la fois dans la cour des grands, des aristos, des seigneurs et également sachant s'abaisser vers les communs, chez les sans grades. Jargon des courses ou politesse des hautes marches se mêlent pour former une musique si douce à entendre de la voix vibrante, roucoulée, furibarde ou hautaine de Jean Gabin, maitre de son personnage, à la fois racé et espiègle margoulin.

Le défilé de seconds rôles se savoure. Au premier rang des pigeons, Louis de Funès est impeccable, déjà infect avec les petites gens et obséquieux avec l'élite. Formidable dans le rythme et les nuances, en quelques minutes à peine de participation, il étale sa grande classe.

Le dvd René Château présente une belle copie, le grain est bien présent, précis. Dans le resto russe, quelques parois tremblotent mais les personnages demeurent nets.

Réel plaisir des yeux et des oreilles, ce cinéma de papa focalise son attention, le pouvoir d'attraction de ses personnages, du pittoresque de l'histoire et le talent d'incarnation des comédiens. J'aime.
Alligator
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le 14 avr. 2013

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Alligator

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