Le plus frappant à cette xième vision c'est l'incroyable formalisme de ce film. Presque chaque plan est habité de lignes droites. A l'extérieur, ce sont les enseignes lumineuses des bars, la verticalité des cheminées d'usine, à l'intérieur, ce sont les différents plans des pièces, couloir, portes, croisillons des shōji. Chaque fois qu'il rentre chez lui, le héros semble enfermé dans trois ou quatre boites gigognes. Les plans, habités au début du film, se vident progressivement de la présence humaine pour se résumer à leur structure. Jusqu'à la scène finale de la chambre de la fille, vide, avec le grand miroir en pied vertical.
Pareillement, les dialogues sont comme des lignes jetées mais qui ne se rencontrent pas. Le langage ne sert pas par son sens - "Comment ça va ?" après avoir balancé à sa fille que l'homme qu'elle aime est déjà fiancé à une autre, c'est pas la phrase la plus adéquate - mais à vérifier que l'autre est bien là. - Elle répond "bien", et la conversation est finie. A ces abstractions formelles s'en ajoutent des narratives : celle du mariage et du mari.
Et pourtant, le plus frappant à cette xième vision, c'est l'incroyable humanité de ce film. Parce qu'au milieu de ces lignes droites, ça débite de la bière, du saké, du whisky à gogo. Toute cette géométrie est habitée par une douceur, un humour, une grâce infinis. Incarnés ici totalement par Chishu Ryu.