Comme sans doute beaucoup de lecteurs et fans de la trilogie d'Agota Kristof , je me suis précipitée pour aller voir le Grand Cahier, adaptation du premier volume de cette fameuse trilogie.

Forcément, on ne peut en revenir que déçu...
En essayant de parler de ce film comme quelqu'un qui n'a pas lu le livre, on peut trouver de bonnes choses dans ce film : une interprétation impressionnante du personnage de la grand mère, de beaux paysages lunaires qui traduisent bien la noirceur et l'aridité des temps de guerre, et une photo assez belle en général (des plans superbes sur les jumeaux quand ils dorment, les plans en plongée sur des cohortes de juifs déportés, etc.).
Un côté un peu malsain, inquiétant se dégage de cet être à peine bicéphale formé par ces deux frères, unis dans la peur aussi bien que dans la cruauté...

Toutefois, le film manque de direction précise à prendre, il empile des scènes qui manquent de logique, ou plus exactement de lien de causalité entre elles quand ça devrait être le cas. La scène finale en particulier n'a aucun sens pour le spectateur.
Autant Agota Kristof mettait clairement en exergue les ravages de la guerre sur l'esprit de ces jeunes, qui doivent se protéger de tout, y compris de l'amour qui semble être une denrée rare voire nocive, autant le réalisateur Janosz szasz , écrasé sans doute par la tâche qu'il s'est assigné, ne traite la guerre, puis l'occupation de ce pays (vraisemblablement la Hongrie), que comme filigrane qui n'explique rien ou si peu...

Maintenant, du point de vue d'une personne qui a lu, et beaucoup aimé la complexité de la trilogie d'Agota Kristof, ce film est un ratage complet.

L'ambiance du livre n'est pas du tout ressentie dans le film, non pas comme j'ai pu lire, à cause de l'écartement des scènes telles que zoophilie, gang bang mortel des militaires soviétiques sur un des personnages, toutes sortes de pédophilie... Non, ce qui manque, car véritablement impossible à transcrire, c'est cette ambiance où l' adjectif est banni, car porteur de sentiments, et donc de sensiblerie. Les phrases du livre sont en général du type Sujet/Verbe/complément. Jamais plus de 5 à 6 mots. Rien que des faits, et comme AK le fait dire à ses jumeaux, il ne faut écrire que ce qui est vrai. Cette absence volontaire des sentiments est occultée dans le film par un personnage de la grand-mère trop présente, trop dans l'émotion aussi,

Le réalisateur dédie son film en hommage à Agota Kristof. L'intention est louable de la part d'un de ses compatriotes, mais il n'a tout simplement pas l'envergure pour une telle mission. Et personnellement, je ne pense pas que quelqu'un puisse véritablement un jour. La structure de la trilogie, l'enchâssemment des histoires , le nous, les je, les il dans les 3 tomes montrent que rien n'est linéaire dans ce récit, que rien n'est transposable de manière optimale.
Bea_Dls
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le 25 mars 2014

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Bea Dls

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