Bienvenue au Grand Magasin Hokkyoku : une enseigne haute en couleurs où les clients sont tous des animaux (servis par des humains). C’est dans ce lieu pour le moins étonnant, perdu au cœur d’une immense forêt, qu’Akino commence son premier jour de travail en tant qu’apprentie concierge, alors que les fêtes de Noël s’apprêtent à battre leur plein. Sa mission ? Choyer coûte que coûte sa clientèle et faire montre d’allégeance, même si celle-ci lui demande la lune !
Qu’ils aient des ailes, des sabots, qu’ils soient petits, grands ou géants (comme Wolly le mammouth, aux talents artistiques tout aussi énormes), tous ici sont des clients V.I.A (du dérivé V.I.P, very important animal). Pourquoi ? Parce ce que ce sont des espèces menacées de disparition… pour lesquelles les hommes n’ont rien trouvé de mieux, pour se faire pardonner, que de leur faire à leur tour profiter des plaisirs de la consommation !
Surtout, ne vous fiez pas à l’apparence adorable de ces drôles de clients aux demandes toutes plus saugrenues les unes que les autres. Sous leurs géniales formes dignes des Moomins, ils peuvent se montrer guillerets, candides, affectueux… ou sacrément exigeants ! Bref, une chose est sûre : Akino n’a pas le temps de s’ennuyer. Elle réalisera même que les demandes d’un vison de mer, d’un loup de Honshû, d’une chouette rieuse, d’un jeune lion de Barbarie ou encore d’un pingouin en chef sont toutes aux antipodes…
Il faudra apprendre à improviser (et à apprivoiser) pour trouver une issue heureuse à chacun… donnant lieu à une succession d’épreuves toutes plus abracadabrantes les unes que les autres, d’autant que la maladresse d’Akino ajoutera son piment, au grand dam de Monsieur Tôdo, son patron à moustache qui la scrute d’un peu trop près.
On le sait, le cinéma d’animation japonais réussit mieux que n’importe quel autre à joindre le merveilleux à la défense d’une cause. Les chefs d’œuvre en la matière demeurent les indétrônables Voyage de Chihiro (2002) et Princesse Mononoké (2000) de Hayao Miyazaki, ardent défenseur de la nature, ainsi que Millenium Actress (2003) et Paprika (2006) de Satoshi Kon, visionnaire dans sa critique des technologies. Il manquait à ce beau panel un film tout aussi essentiel dans son propos mais qui serait cette fois destiné à un plus jeune public.
En choisissant de prendre pour cause celle des animaux, Le Grand Magasin sensibilise aux notions de protection des espèces. Et s’il n’est pas signé Hayao Miyazaki ou Satoshi Kon, c’est justement leur collaborateur historique, Yoshimi Itazu, également animateur de Miss Hokusai (2015) de Keiichi Hara, qui est à l’origine de ce petit joyau.
De façon ludique et rieuse, l’enchaînement des saynètes permet de brosser une série de portraits (d’animaux) tous plus touchants les uns que les autres, offrant une matière à penser extrêmement stimulante pour les petits, mais aussi pour les grands.
Avec Le Grand Magasin, Yoshimi Itazu dessine l’espoir d’un monde meilleur où le plaisir d’offrir, le partage et la rencontre des espèces permettraient de recréer un écosystème équilibré pour le vivant en général. De quoi introduire avant l’heure vos petits loirs à l’œuvre du génial Baptiste Morizot qui préconise aux nouvelles générations, pour trouver un sens à l’existence en plein désarroi écologique, de dénicher « un lieu vivant à aimer personnellement et à défendre collectivement ». La magie de Noël – celle d’un moment simple et heureux à partager avec le gens qu’on aime – peut enfin commencer !