Succession de micro-situations globalement futiles, ce Grand Magasin, qui se résume à un exhaustif imagier d'espèces animales en voie d'extinction, se révèle très vite, derrière sa mignonnerie, profondément problématique.
On imposera donc à nos bambins une heure et dix minutes de soumission dévouée et sincère (toute japonaise...) aux envies les plus exaspérantes de clients et aux exigences les plus sévères du grand patronat (matérialisé par un pingouin philosophe et démiurge et un odieux personnage, pourfendeur d'une entreprise de surveillance panoptique). Excuses spasmodiques, afflixions et courbettes automatiques, déni de soi, favorisation d'une clientèle fortunée (les VIA pour very important animaux), glorification du management toxique, incitation voire fantasmatisation de l'hyper-consommation, uniformisation des goûts, obligation à un bonheur matérialiste... Cette longue liste d'horreurs capitalistes pèse toute entière sur les frêles épaules de l'héroïne soldat parfaite et hystérique de cette economie, dont le rêve absolu est... d'être concierge.
Même le propos vaguement écologique glissé dans les dernières minutes est bien trop tardif et furtif pour être honnête.
"Bien au-delà du consumérisme, ce qui se cache dans le grand magasin, c'est le rêve." nous dira vers la fin le grand manitou pingouin.
On assiste donc totalement accablé au cauchemar absolu du Zola d'Au Bonheur des Dames, et on trouvera tout à fait ubuesque que cette démonstration et promotion en règle du grand capitalisme, totalement dépourvue de critique ou même d'une once d'ironie, puisse encore exister en 2023.