Peut-on adapter le Grand Meaulnes au cinéma?

C'est un film raté. Il s'agit même d'un ratage absolument complet. Tenter le coup était méritoire, mais le résultat est parfaitement vaseux. On ne voit rien, on ne comprend rien, on abuse des procédés artificiels de sublimation pour compenser l'absence de rapport avec le roman d'Alain-Fournier.

Mais c'est un film utile. Car il fait comprendre que le Grand Meaulnes, moins que tout autre roman, peut-être, ne se prête pas à l'adaptation cinématographique. Comment porter à l'écran la nostalgie de l'enfance, la quête de la grâce, le sentiment de l'amitié, toutes ces sortes de choses qui ne se représentent pas, et que seule la littérature est capable d'infuser au lecteur, par petites touches impressionnistes, pour graduellement développer un état d'âme?

On ne peut pas, c'est tout. Une critique amusante a défini ce film comme le vol d'une mouche myope qui s'est paumée en Sologne. Il y a du vrai. Or ce n'est pas du tout ce que raconte le livre, n'est-ce pas.

Je retiendrai tout de même un point intéressant, c'est le côté témoignage. Les ruraux de mon enfance, dans le Cher, avaient cet accent exactement qu'ils ont dans le film et qui s'est perdu avec la standardisation des comportements (et ce n'est pas un "progrès", sauf pour les papy-boomers, soixante-huitards moisis qui étaient humiliés que leurs grands-parents ne parlent pas comme des bobos germanopratins de la gauche caviar; pauvres cons).