Propos de Scorsese sur The Big Shave : "Je me suis presque convaincu que c'était un film contre la guerre du Viêt Nam, que ce type qui se rase méticuleusement et qui finit par s'ouvrir la gorge était un symbole de l'Américain moyen de ce temps.(...) Consciemment, c'était un hurlement de colère contre la guerre. Mais en réalité il y avait quelque chose en moi qui n'avait rien à voir avec la guerre. C'était juste une très mauvaise période"
... Il ne faut pas voir plus loin.
Donc... pour ceux qui y ont vu une métaphore sarkozyste*, c'est flanqué.
"C'était juste une très mauvaise période."
Ce qui est, à la rigueur, pertinent, c'est de voir comment le contexte a influencé l'art. Comment "une très mauvaise période" peut finalement donner un court-métrage qui restera longtemps dans les mémoires ?
The Big Shave est une métaphore qui reste intéressante dans l'actualité puisqu'il n'y a pas une année où les impérialismes occidentaux ne sont pas impliqués dans des interventions extérieures folles et absurdes. Il me semble voir aussi dans ce rasage - qui est un acte quotidien de propreté, de netteté inquiétante - bref de percevoir dans ce rasage gore une faculté des populations occidentales d'être aveugle sur ce qu'est une guerre, de faire comme si rien ne se passait et donc, de ne pas être contre ces interventions... Jusqu'à cautionner le bien-fondé de ces interventions gendarmes dans la conscience de certaines personnes, absolument convaincues que ces puissances agissent par altruisme dans l'intérêt des populations.
Alors, le court-métrage est faible dans sa politique, peu clair et peu lisible, voire sottement essentialiste, mais il est viscéralement sincère et surtout, d'une justice bien ordonnée. Il m'est avis que, si le message avait été plus explicite, plus marqué, l'on aurait trouvé ce rapport à l'image grossier. Or il est clair que le message politique est faible. Par conséquent, libre à chacun d'envisager comme l'on veut ce court-métrage. Je pense qu'on peut tout à fait occulter le message pacifiste pour n'observer que l'ambiance malsaine que le court dégage en lui-même.
Les deux niveaux de lecture se lisent et se répondent, et en font un film qui... interroge encore un demi-siècle plus tard ; c'est beau !
* http://www.ina.fr/video/I09316370 (cette vidéo étrange est tout à coup remise en perspective... Parle-t-elle de la guerre en Lybie ? - wah.)