Le Grand Rasage par Biniou
Nous sommes en 1967, année considérée comme celle du début du Nouvel Hollywood. Ça n’est donc pas un hasard si ce court-métrage long de 5 minutes signé Scorsese est resté dans les annales, c’est une œuvre extrêmement importante pour la décennie de cinéma américain à venir. Pourtant ce n’est pas à mon sens la parabole sur la guerre du Vietnam qui fait de ce film une œuvre si importante mais bien les images que créent Scorsese, on pourrait séparer The big shave de tout discours sans que ça n'enlève rien à la puissance de cette vision d'horreur froide.
Il y a dans la frontalité de la mise en scène, avec ces cadrages en gros plans sur ce rasoir repassant au même endroit jusqu'au sang, une radicalité, une violence sèche, brute qui laissera son empreinte dans les mémoires. Cet homme se coupe, on est là, quelques centimètres de lui, la pression monte crescendo, le sang souille son corps et le blanc de la salle de bain qui n’est pas sans rappeler Psychose. Il finira par s’égorger, sous nos yeux, il se videra de son sang, pourtant aucune réaction de sa part, pas le moindre signe de douleur comme si cet homme était déjà mort, peut être qu’il achève son enveloppe corporel mais que son esprit est mort depuis longtemps. L’achèvement du corps pour acquérir une certaine liberté ?
Une chose est sûre, ces images vont hanter le cinéma américain des années 70, cette mise à mort est aussi celle de la pensée, c’est à se demander si The big shave n’est pas anarchiste.