"Le grand saut" lorgne tout de même fort vers l'atmosphère de "Brazil" sans en avoir la profondeur poétique et excentrique. Quelque part, c'est plutôt creux et linéaire cette histoire de doux rêveur manipulé au sommet, surtout quand cela rappelle que Brazil, c'est autre chose. Mais l'humour grinçant des frères Coen fait une bonne balance. Avec leurs gros plans énervés et leurs personnages tiraillés, le ton est caustique et débridé. La cohabitation entre l'homme d'argent et l'innocent plein de talent est déjà pleinement révélatrice de leur cinéma.
Tim Robbins et Paul Newman brillent chacun à leur manière. Barnes, grand serin maladroit enthousiaste est aussi proche d'un vrai personnage de muet qui danse, bouge et trébuche avec de grands mouvements d'enfant. Il est attachant, c'est du grand Tim Robbins. Paul Newman cigare aux lèvres est l'ultime vieux requin prédateur, c'est un délice de le voir tant il n'a nul besoin de bouger ses jambes pour tout contrôler du 45ème étage. Jennifer Jason Leigh passe toujours très bien en ce qui me concerne, même si ***spoiler***elle retourne sa chemise assez brutalement et de manière attendue***spoiler***. Les personnages secondaires sont eux aussi méticuleusement choisis jusqu'au garçon d'ascenseur, du genre plutôt nerveux.
Mais ce qui penche vraiment pour le 7, ce sont ces scènes qui comptent à elles seules au choix de chacun parmi la pelleté, comme la découverte du bidule par les enfants (le kid au ralenti !) et la montée puis la chute de Barnes filmées avec tout le monde plié de rire lui inclus, ou rien que la scène d'introduction avec le saut de Hudsucker qui court sur la table, c'est grandiose.
Il reste tout de même une trame globale assez attendue et gentille avec des allusions au rêve un peu vite survolées et quelques gags plus routiniers mais c'est une oeuvre solide des frères Coen.