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Le couple mythique Bogart-Bacall formé devant la caméra de Howard Hawks sur To Have and Have Not revient, toujours avec le même cinéaste, pour le meilleur comme pour le pire. Car si The Big Sleep n’est pas inintéressant, loin s’en faut, il n’en reste pas moins enfermé dans un mélange de formules qui s’essouffle assez vite.
La formule des deux acteurs d’abord. Leurs rôles sont quasiment identiques à ceux du remake inavoué de Casablanca. La version initiale, prête dès février 1945, avait moins de scènes pour Bacall, et il aura fallu des instructions pour qu’elle retrouve l’insolence et le répondant de sa prestation précédente avec Bogart. Cela fonctionne plutôt bien, l’alchimie du couple (à la ville comme à l’écran) est palpable, à coup de piques témoignant d’un amour vache. Ils sont bons, mais ils tournent en rond. Quand en plus The Big Sleep se contente d’aligner les codes du film noir sans dériver d’un iota, impers, grisaille, cigarettes et grosses berlines incluses, on est en droit de se questionner sur la plus-value d’une telle oeuvre. On retiendra bien les détours employés par Hawks pour contrecarrer le code Hays et sous-entendre l’obscène, jusqu’au carton final sous lequel se consument deux cigarettes dans un cendrier.
Mais malheureusement le scénario, foutraque, ne vient pas sauver l’ensemble. Trop verbeux, avec trop circonvolutions, de noms balancés dans tous les sens sans que le spectateur ne puisse raccrocher les wagons ni définir l’identité des personnes citées, sapant par la même occasion toute tentative d’impact émotionnel de l’histoire narrée. Et pourtant, une fois le script mis à plat, au repos, ce n’est pas si incompréhensible que ça. Mais on dirait que le principe du “show, don’t tell” a été remisé au placard, donnant la sensation de lire le roman de Raymond Chandler a un rythme imposé.
Ajoutez à cela les fantasmes du limier qui passe tous ses obstacles par la force de son impertinence, et que toutes les nanas trouvent irrésistible de ce simple fait, et on frôle le ridicule.
Non, Le Grand Sommeil ne m’a pas convaincu. Un film archétypal qui ne repose que sur ses têtes d’affiche et quelques astuces de son réalisateur, tout en oubliant qu’un polar où l’on est largué dès les dix premières minutes, où l’on commence à peine à comprendre le premier nœud narratif qu’un autre vient se greffer tout aussi maladroitement, où l’on cherche sans cesse à raccrocher un nom à un visage, n’a que peu de chance de susciter le grand frisson.
Pour la gouaille de Bogart et la répartie de Bacall donc. Pour des métaphores équestres qui contournent la censure. J’en attendais plus.