Il est inutile de présenter Le Grinch et le conte de Dr. Seuss, un livre pour enfant qui a été popularisé en cartoon entre les mains d’un grand spécialiste dans le domaine, Chuck Jones, dans un excellent cartoon des années 60 ou l’esprit de Noël et les messages du livre étaient repris de manière simple, efficace et émouvant en l’espace de quelques minutes. Depuis, les œuvres littéraires de l’auteur n’ont jamais brillé au cinéma, en film live comme en film d’animation. La version de Ron Howard est là pour le démontrer, et c’est aujourd’hui Illumination qui tente de transposer le conte en film.
Ça n’est pas la première fois que je montre mon hostilité envers ce studio et je ne serais pas surpris de voir des gens me reprocher d’exagérer mes propos. Mais lorsque je vois les critiques dire ouvertement que le film est mauvais mais que ça plaira aux gosses, et lorsque je vois ce même film échouer avec une histoire préconstruite, je ne veux pas rester sans rien dire en tant que fan d’animation. Et aussi pour tenter de faire comprendre que les enfants ont droit à autant de respect que n’importe quel autre public avec ce qu’on leur montre, en animation ou ailleurs.
Le Grinch montre vite ses trois principaux problèmes sur lesquels je vais exposer ce qui me déplaît dans ce film : d’abord la simplicité de son conte qui ne se prête pas à un film de plus d’une heure vingt et nous mène au remplissage. On doit attendre 30 minutes pour voir Le Grinch se décider à voler Noël et presque 30 autres minutes avant de le voir enfin voler les cadeaux et décorations de chaque habitant et comprendre le sens de cette fête.
Du coup il faut trouver quelque chose à raconter sur 1 heure et ça ne tient qu’à une sous-intrigue trop anecdotique sur une fillette oubliable qui veut que sa mère soit heureuse pour Noël, et la préparation du Grinch pour ses méfaits majoritairement composés de gags et d’un flash-back placé de manière aléatoire. Et vu que le nombre de personnage est limité, ça ne donne que très peu d’opportunité pour combler le vide.
Le deuxième point et qui découle du remplissage, c’est cette incapacité à mêler humour et la cohérence d’un univers qui a du mal à l’être. Et pour cela j’aimerais reprendre une phrase d’Hayao Miyazaki qui a été cité précédemment par un youtubeur américain :
L’animation peut représenter des mondes fictifs, mais je pense
néanmoins que dans son cœur elle doit avoir un certain réalisme. Même
si le monde représenté est un mensonge, l’astuce est de le faire
croire aussi réel que possible. Autrement l’animateur doit fabriquer
un mensonge qui semble si réel que les spectateurs penseront que le
monde représenté pourrait éventuellement exister.
Grosso modo pour qu’un univers marche, il faut le rendre crédible que ça soit par l’image ou son fonctionnement. C’est ce qui fait que les films des studios Ghibli tel que Princesse Mononoké ou Le conte de la Princesse Kaguya existent, et que plusieurs classiques Disney tel que Le Roi Lion, Zootopie ou Bambi fonctionnent que ça soit pour montrer de la comédie ou du drame, la savane africaine ou une métropole car l’équipe derrière a pensé à la manière de faire marcher le monde dans lequel les personnages évoluent que ça soit sur le plan visuel, musical ou l’histoire. Ou encore des films plus ordinaire comme les Hotel Transylvanie qui sont cohérent en tant que film cartoon en 3D.
Selon moi c’est pas le cas du Grinch. Comme Moi, Moche et Méchant dont il copie plusieurs éléments (le personnage du Grinch, le design d’Edith repompé pour celui de la petite fille qui veut rendre sa mère heureuse à Noël) ou Comme des bêtes, son univers est absurde et non intemporelle et ses gags le sont tout autant.
Comme le cri d’une chèvre reprise d’un meme sur internet, le Grinch qui mange comme quatre et sert à justifier sa pénurie de nourriture ou ses petits méfaits enfantin dont un cornichon croqué et recraché dans son bocal avant d’être mis dans le panier d’une femme qui n’avait rien demandé (à croire qu’ils ne cachent même pas leur recyclage).
Par ailleurs : le Grinch n’a plus rien de l’ermite décrit dans le conte ou même le film de l’an 2000 que ça soit l’éclairage trop fort des lieux ou la technologie de son matériel, on ne peut même pas dire qu’il soit véritablement méchant
puisqu’il relâche le renne qu’il avait emmené avec lui une fois qu’il le voit avec sa famille et qu’il n’hésite pas à le relâcher.
Ce film commet d'ailleurs la même erreur que le film de Ron Howard, celle de lui donner un passé pour justifier sa haine de Noël alors que ce point de mystère était exactement l’intérêt du cartoon de Chuck Jones et du livre de Seuss : on laissait le public se faire une idée du pourquoi de sa haine et celui-ci comprendre par lui-même le sens de cette fête en voyant les habitants célébrer la fête simplement pour le bonheur d’être réuni avec ceux qu’on aime, c’était innocent et ça marchait.
Impossible de vraiment rire car de l'absurde sur un univers déjà peu crédible et absurde en tant qu'univers ça ne fonctionnera pas (et encore moins si on doit se taper les étirements de gags et leur prévisibilité), ni même de croire aux bases du récit si le méchant n'en est même pas un.
Enfin le troisième point qui vient justement rejoindre l’humour raté et son histoire terriblement maigre : sa pauvreté de mise en scène qui donne un côté très téléfilm à cette adaptation du Grinch et qui se sent déjà dans d’autres de leurs navets comme Les Minions ou Moi, Moche et Méchant 3.
Du plan plan enchaînant les images sans créativité ou idée avec un mouvement de caméra lent et un rythme linéaire qui répète deux fois le même schéma et ajoutent de manière aléatoire les éléments du récit comme l’enfance du Grinch.
Histoire de faire une comparaison, j’aimerais évoquer un animé que j’ai récemment découvert, limité en terme de moyen et pourtant bien plus inspiré sur 2 saisons qu'un film d'une heure 30 comme celui-là. Cet animé c’est Hinamizawa le village maudit du Studio Deen : techniquement le genre d’animé au visuel très simple et dont les limites sont évidentes et même assez visible.
Et pourtant il se montre malin en jouant sur ses limites budgétaires pour déranger le spectateur et le choquer lors des scènes d’horreurs (sanglantes ou non), parfois en jouant sur la déformation faciale pour exprimer la folie d’un personnage ou en utilisant le design sonore et jouant sur le pouvoir de l’image lors d’un meurtre pour foutre l’angoisse
(l’assassinat en quelques instants de Mion et Rena par Keiichi à l’épisode 4 ou leur corps sans vie, à l'exception d'un bout de bras et du haut de la tête de Rena, n’est montré qu’après le meurtre et non pas pendant que l’adolescent les massacre en prétextant la légitime défense).
Alors que là avec un budget de 75 millions de dollars, le duo Cheney/Mosier n’arrive même pas à rendre dynamique ou énergique les gags ou le vol des maisons par le Grinch alors qu’il constitue le moment clé du film, se contentant de monter ses cambriolages de manière lambda avec un montage linéaire et des gadgets qui rendent encore plus bancal la cohérence de cet univers.
Seule la dernière scène du film en somme correcte fait un effort et peut être un ou deux gags (le tableau qu’évite le Grinch lorsqu’il veut exposer son plan) qui échappent à la moulinette du studio mais rien de suffisant pour rattraper tout le reste.
Sur ce je pense avoir dit tout ce que j’avais à dire sur cette adaptation : c'est très pauvre d’histoire et toujours en proie à un humour extrêmement mal mené, un remplissage excessif pour faire tenir un conte qui n’avait pas besoin d’une adaptation en film, un univers lisse qui n’a pas grand-chose à faire valoir et une incapacité à susciter de l’émotion, pas même de l’énervement tant il n’y a aucune passion qui en ressort.
Et très franchement je ne souhaite pas aux enfants de grandir avec ce genre de film animé sans âme tant il n’y a rien qui mérite d’être retenu si ce n’est un profond ennui et un message de bonté et de bienveillance qui perd toute sa force.