De Bronson je n'avais retenu que l'interprétation sans retenue de Tom Hardy, une performance à la Klaus Kinski qui faisait que les élucubrations formelles de Nicolas Winding Rein, à peine réchauffées de Kenneth Anger ( et ça se voit ), ne m'avaient pas dérangé outre mesure.
J'entre dans la salle de Valhalla Rising, prudent et circonspect.
Et c'est l'un des meilleurs films de l'année !
Le film commence comme un mix de série B et de film d'auteur : un grand écart qui a tendance à rebuter les amateurs de chacun des composants mais qui me séduit de manière toute intellectuelle. Les combats sanglants s'enchainent dans un mode fauché... Grands paysages mais peu de figurants ! La photo, même si certains flashes ont des airs de tutorial sur Color, a son côté new-age factice que semblent adorer les jeunes d'aujourd'hui, mais rend justice aux différents lieux et ambiances du film.
Les acteurs sont tous bons, le borgne hante le film de sa présence dangereuse mais en fin de compte débonnaire, et le gamin, avec sa tête de manga, m'a impressionné par sa retenue et sa justesse.
Si ça avait dû en rester là, je n'aurais rien pensé de plus, mais le film se métamorphose lentement et surement en remake de Aguirre - la colère de Dieu, conservant le côté imprévisible et désespéré, mais en insufflant, dans son dernier tiers un véritable propos génial sur la religion.
En effet, il est bon de savoir qu'Odin, tel que décrit dans la mythologie nordique, n'a qu'un œil.
Aussi, le film montre comment des Vikings sont devenus Chrétiens par la force, acceptant ainsi tout le décorum, la croix de l'épée, les croisades etc... Alors que le représentant ultime du paganisme finit par appliquer le message du Christ - son sacrifice - en rejetant obstinément le symbolisme obscur et stupide. Lui, il conserve sa hache, il ne veut pas de l'épée-croix.
Les scènes du bateau, changées en huis-clos démesurément long par la brume, sont une série de tableaux jour-nuit-jour-nuit qui nous montrent les Vikings fragiles et supersticieux, là ou le borgne se fout de tout. Comme l'avenir lui parvient par flashes rougeâtres, il sait le plus souvent quel comportement adopter, même quand à la fin ça lui est largement défavorable, ce qui est bien ancré dans le folklore nord : le destin est déjà tracé, alors il est vain de tenter autre chose.
Du coup, au "grand écart formel" décrit dans mon deuxième paragraphe se joint un grand écart idéologique que j'ai vraiment trouvé brillant, et terriblement bien exécuté.
Et la dernière partie, sans me happer littéralement comme l'avait fait Aguirre, comprend des scènes d'une beauté rare et d'autres aux limites du psychédélique, qui font de ce film une expérience mémorable, même pour ceux qui ne l'ont pas supporté !