Le héros sacrilège est probablement le film de Mizoguchi qui reste le plus méconnu. Il est vrai que la complexité du scénario en rend la compréhension un peu difficile pour qui n'a pas quelques notions d'histoire japonaise. Il s'agit pourtant de mon point de vue d'un des films majeurs de Mizoguchi par la force de son analyse politique qui sait ici, fort subtilement, faire le lien entre réalité et subjectivité individuelles et mouvement de l'histoire. Un cinéaste japonais qui aurait lu Machiavel, voilà qui peut surprendre en effet !
Nous sommes au moyen-âge, alors que la société est sous la domination de la puissance du religieux, puissance confisquée par la caste des moines, qui en détiennent les symboles "sacrés".
La cour impériale vit quasiment coupée du monde, égarée dans des formes de raffinement proches du fantasmagorique (voir "Le dit du Genji), qui l'éloigne de toute approche objective des enjeux historiques.
La classe bourgeoise (les marchands) qui s'est constituée d'abord comme fournisseurs attitrés de la cour, commence à pointer son nez et son argent.
Les samouraïs, qui doivent guerroyer ici et là, en permanence, pour maintenir l'équilibre précaire de cette société, sont restés réduits jusqu'alors aux rôles de figurants. A travers la figure symbolique du héros sacrilège (Taira no Kiyomori 1118-1181) affrontant les moine-guerriers de l'Enryaku-ji, ce film raconte leur prise de pouvoir. C'est du fait d'une transgression, elle-même hautement symbolique, que se produit ce renversement; et c'est toute la force de Mizoguchi d'avoir su en transcrire ici aussi intelligemment le mouvement.