C’est une expérience intéressante et fort instructive. Le lien entre la soumission à l’autorité de Milgram et la force de la télévision est osé, mais percutant. La hiérarchie de Milgram et le respect de l’univers scientifique, des prestigieuses universités est remplacé par l’autorité d’un plateau de télévision.
Les candidats ne sont pas blâmés pour leurs actions et stéréotypés de cruels, mais au contraire, on nous explique quels sont les mécanismes pouvant conduire à faire souffrir autrui. Quand Hannah Arendt nous parle de « légalisme » ; de loyauté envers les ordres, même inhumains, Milgram et cette expérience nous explique que l’individu est soumis à un combat terrible : entre la soumission et la morale, mais entre tout de même dans l’état agentique, un état d’obéissance.
Cependant, cette expérience semble se heurter à des forces bien plus grandes : la force du public semble sous-estimée (et peut même aller jusqu’à remplacer l’autorité de la présentatrice, absolument pas crédible une seule seconde) les caméras, la force de la responsabilité de la télévision « ils ont forcément tout prévu », ensuite, il faut penser à l’autre, « qui vous remerciera plus tard ». Autrui, peut ici au fond de lui, vouloir réellement aller au bout de l’expérience, contrairement à celle de Milgram.
Certains points ne sont pas clairs non plus, le public, sait-il qu’il n’y aura pas de réel gain ? Sait-il que c’est une émission pilote ? Encouragez t’-il les candidats si c’était le cas ? Personne n’a protesté ?
De plus, ce concept est paradoxal : l’expérience critique le voyeurisme, l’humiliation, etc, qui sont présentés à la télévision. Pourtant, cette fausse émission reproduit ce même schéma et se base sur les mêmes codes. Elle devient d’une certaine manière ce qu’elle critique. De plus, les explications données par les professeurs semblent totalement manichéennes, les chaînes privées représentent donc le mal, associé à la décadence et les chaînes publics le bien et la culture.
Un autre problème semble dérangeant. Nous savons qu’après l’expérience de Milgram, les candidats étaient suivis psychologiquement durant des années, effectivement, les candidats de cette célèbre expérience n’en restaient pas indemnes, aller jusqu’à électrocuter à 450 volts des personnes innocentes, ne laisse pas la conscience tranquille. Ils se sont rassurés pour la plupart, d’avoir fait avancer la science. Ici, ils sont lâchés dans la nature d’une manière déconcertante. Un interview de 5 minutes et salut. Et, quand est-il du public ? Lui aussi, ne doit pas en sortir indemne. Encourager des individus à électrocuter autrui, pour une somme d’argent, en obéissant lui aussi à une source d’autorité, à un « chauffeur de salle » ne doit pas non plus laisser la conscience tranquille.