Un des sommets de l'histoire du cinéma. Remarquablement filmé (ah, ces scènes de cages d'escaliers !), photographié avec talent, l'utilisation des flash-back est parfaitement réussie. Le film est très noir et aucun des personnages n'est vraiment complètement clair mais c'est ce qui fait la force du film ("Tout le monde ment", dira Jacqueline Laurent, "et si je disais le contraire ce serait un mensonge"), on remarquera aussi que les rapports entre hommes et femmes sont étonnamment libres et beaucoup moins codifiés que dans la plupart des films américains de la même époque. Côté interprétation, Gabin est tout simplement magistral, Arletty est toute de gouaille et de beauté, et Berry est excellent dans le rôle d'un salaud tragique. Les dialogues de Prévert sonnent justes et font souvent mouches. Il faut aussi souligner le rôle des objets, les médaillons, les photos qui jouent un peu le rôle de "madeleines de Proust". Dans le film tel qu'il fut sorti en 1939, il y avait une jolie scène de nu avec Arletty qui sortait de sa douche. La scène fut censurée par le gouvernement de Vichy mais il est scandaleux qu'elle n'ait jamais été rétablie depuis. C'est vrai que Carné a déclaré tardivement que ce plan aurait été tourné à son insu (ben voyons...)