Découvert hier soir en salle de l’un des plus beaux Autant-Lara LE JOURNAL D’UNE FEMME EN BLANC.
La salle fut émue par ce film si fort porté par la sensibilité de Marie-Josée Nat. Quel pied de nez à la société bien pensante de l’époque, que de modernité dans les thèmes abordés (contrairement à qu'en dit une critique précédente) : l’avortement, la contraception, le déboulonnage d’institutions comme le mariage. Un film féministe comme on en a peu vu à l’époque en 1965 (on pourrait par certains aspects le rapprocher de AU SEUIL DE LA VIE de Bergman ou de UN GRAND PATRON de Ciampi (pour l’aspect vie quotidienne dans les hopitaux)).
Autant-Lara réputé difficile et bougon y montre son extrême sensibilité envers les femmes et les jeunes filles du film. Les hommes y sont pour la plupart présentés comme des coureurs invétérés, des maris égoïstes qui ne pensent qu’à leurs besoins sexuels, des chefs-médecins incompréhensifs, des flics fouineurs, des concierges rustres et exploiteurs d’immigrés (la jeune asiatique). Seuls deux hommes paraissent avoir grâce aux yeux du réalisateur : le jeune mari dénigré à la fin par les parents de la jeune fille ayant avorté, jouée par Cécile Vassort et dans une moindre mesure le médecin, en apparence prétendant timide et sensible, que Marie-Josée Nat ne saura aimer (et qui lui aussi apparaîtra sous un jour négatif devant le refus de l'héroïne de l'embrasser et de coucher avec lui).
L’écriture d’Aurenche est admirable, faisant de Marie-Josée Nat un personnage tout en ambiguïté, qui n’est jamais monolithique, qui doute d’elle-même ce qui renforce l’identification du spectateur. De même le personnage joué par Jean Valmont apparaît comme insupportable en bellâtre dragueur, macho et ambitieux qui se révélera à d’autres moments droit, compétent et humaniste. Il n’y a pas de héros pour Autant-Lara, il y a des combattants, des personnages volontaires qui passent leur temps à se battre (comme lui le fera dans son cinéma avant de finalement perdre la partie et d’y laisser toute son aigreur). On notera aussi le pied de nez subtil à la nouvelle vague dans un des dialogues.
Le tournage fut l’un des plus courts pour Autant-Lara (3 à 5 semaines) qui devait aller vite car produisant lui-même le film avec sa femme Ghislaine. Il en résulte un film que certains pourraient critiquer pour ses raccourcis et certaines invraisemblances : reste que l’on en ressort avec un film sec et fluide où les plans sont choisis au cordeau (les plans sur les visages et le montage très serré…), avec une belle musique de Michel Magne, les décors minimalistes et quasi bressoniens de Max Douy.
Un film à découvrir absolument dont on ressort assez chamboulé.
J'en profite pour signaler la sortie le mois dernier du livre de Jean-Pierre Bleys (qui présentait le film en salle) sur Autant-Lara qui devient une référence absolue sur ce réalisateur, homme tout en ambiguïté.
Achetez donc ce livre paru chez Actes Sud et redécouvrons les films d'Autant-Lara !