L'alliance entre les arbres et les hommes s'est perdue. De la convoitise il est dit que la nature se serait vengée des hommes. L'un d’eux, un jeune garçon, se transforma en un arbre sacré, posté sur les rives de la Yakoun, la rivière de vie. Il prit le nom de K’IID K’IYAAS et devint la sentinelle de la forêt.
Deuxième collaboration entre John Vaillant auteur vancouvérois qui avait adapté le docu-fiction, Conflict Tiger de Sasha Snow sur le braconnage en Sibérie, avec son roman Le Tigre: Une histoire de survie dans la taïga.
Avec The Hadwin's Judgement, cette fois-ci c'est au tour de Sasha Snow de s'inspirer de l'ouvrage de John Vaillant The Golden Spruce.
Depuis 1994 le gouvernement a décidé sous les pressions de plus en plus nombreuses de réduire les coupes à blanc et de se diriger vers l'écoforesterie, et le respect des écosystèmes, et c'est pourtant en 1997 que Hadwin décidera contre toute attente et en complète contradiction apparente, d'abattre le symbole d'une culture millénaire, l'épinette dorée, spécimen unique. Acte incompris au regard de son combat et de son attachement à la nature et réponse virulente de la population, qui de l'attrait que procurait sa visite par des touristes venus du monde entier, en avait oublié une déforestation massive alentour. Hadwin n'aura trouvé que cette solution pour nous réveiller.
Entre mythe et réalité, le réalisateur retrace le combat perdu d'avance d'un homme pour la sauvegarde d'une forêt pluviale tempérée de Colombie britannique et par extension à toutes les forêts du monde, avant l'acte décisif, sa disparition avant son procès, ne laissant trace que de son kayak, abandonné sur les côtes des îles Marie. Jouant de spéculation, de mystère, de poésie et de sa dose d'émotion, on suivra le cheminement de Grant Hadwin, d'abord ingénieur de constructions de routes pour permettre aux entreprises forestières de transporter leur butin, de son départ, prenant conscience des ravages causés par son travail et pour finir après avoir épuisé toutes ses ressources d'alerte auprès de tous les décideurs, Reine y compris, l'abattage de l'arbre tricentenaire et auréolé de magie, que tenait pour sacré les autochtones Haïdas, de l'archipel Haida Gwaii.
Jouant des codes documentaires et de l'intrigue cinématographique,(et particulièrement photographique), on navigue entre enjeux environnementaux, histoire et économie, mode de survie, et impuissance face à la spoliation des terres, et plus dramatiquement encore de ce rapport à la nature autrement appelé le kincentrisme, mot inconnu au bataillon et qui nous manque définitivement. Et pour cause, l'anthropocentrisme étant le maître mot de notre civilisation et de cette propension de l'homme à croire que tout sur cette terre lui appartient d'autant plus si cela peut se monnayer. Sasha Snow a l'art et la manière de le révéler encore une fois par cette tragédie humaine et environnementale.
Le cascadeur canadien Doug Chapman, colle à son personnage obsessionnel et est suffisamment expressif pour nous transporter dans les affres de son esprit de plus en plus torturé et de sa croisade mystique, tour à tour sociable ou mutique. Une sorte de film d'horreur en montagne, montrant les engins meurtriers trancher sans relâche les arbres, qui suivant certains, les auraient entendus pleurer. L'industrie ne s'arrêtant jamais dans sa course à la rapidité, ces images procurent un certain malaise par leur violence et démontre toute la maîtrise du réalisateur à relayer le message de Grant par le seul visuel. Un montage parfait où vient se greffer en porte à faux, le calme environnant d'une nature grandiose et sauvage.
L'ensemble apporte sans cesse un rendu et une tension marquants, seulement tempérés par les interviews de ceux ayant participé de près ou de loin au drame, et dès les premières images, on ne pourra plus décrocher.
Les travaux de Sasha Snow sont fascinants.
Primé en 2016 au festival international du film, Vancouver
Vous le trouverez d'ailleurs ici à l'achat via le site canadien (version sous titrée VF):
https://www.onf.ca/film/jugement_dhadwin/