Nouvel opus mafieux plus contemporain de Chang Cheh. Après avoir adoré Vengeance et avoir eu un peu plus de mal avec Duel Sauvage, quand est-il de ce pseudo Scarface à la sauce Chinoise comme disent les opportunistes ?
Déjà il est à noté que Chang Cheh n'est visiblement pas le réalisateur principal, laissant surtout la main à Pao Hsueh Li. Mais il faut avouer que les deux gaillards ont un style assez proche.
Exit Ti Lung et David Chiang en héros principaux, et place au nerveux Chen Kuan-tai.
Un acteur adepte d'un certain cabotinage, mais absolument pas gênant dans ce film ci, tant le personnage est fier, arrogant et prétentieux. Un rôle parfaitement adapté à l'acteur donc !
Apparemment, l'homme qu'il interprète, Ma Yung Chen est un petit caïd au parcourt similaire ayant réellement existé, et dont le film est en quelque sorte un biopic romancé. Pas un grand chevalier servant donc..
C'est d'ailleurs une bonne surprise d'avoir un personnage si éloigné des standards à la Chang Cheh. Le personnage n'a rien de chevaleresque, est plus égoïste et sanguin. Il fait les choses pour lui avant tout.
Évidemment, celui ci possède tout de même des principes, des valeurs ainsi qu'une volonté de fer.
La réelle identité du personnage se tient dans son but, simple et très rapidement défini : faire fortune (et au passage, avoir une renommée).
C'est ainsi que de petit campagnard énervé, il évoluera peu à peu dans le milieu afin d'atteindre son objectif de fortune et de pouvoir.
Un rise and fall classique, très intelligement situé à Shanghai, sorte de Chicago chinois.
Il est amusant de réaliser que les objectifs du personnage sont motivés par sa rencontre avec David Chiang en début de film, suite à une confrontation d'ego. Malgré cette petite compétition, les personnages se respectent et se considèrent comme des amis.
David Chiang tient ici un rôle important mais très peu présent à l'écran (ce qui ne l'empêche pas de briller comme à son habitude).
Il fait office de modèle au héros, et dès que celui ci en a l'occasion, il s'empressera d'adopter ses mimiques, son mode de vie, des possessions identiques aux siennes etc etc... Tout ça donne un petit côté enfantin et naïf au héros, comme s'il n'était question que d'apparence, de style et provocation.
Ces détails aident réellement à apprécier le personnage, au premier abord assez antipathique car sûr de lui et insolent.
Pour la réal c'est efficace, les plans restent classique mais les mouvement de caméra sont astucieux.
Rien à redire des décors, impeccables. Ils sont plus grands, plus crédibles même si on les sent limités (studio de la Shaw oblige), il n'empêche que le Shanghai post Qing est joliment retranscrite.
Évidemment, les combats sont maîtrisés, astucieusement filmés et sanglants. Surtout le tout dernier, assez long et qui ici pour le coup est clairement Chang Cheh-ien.
Le scénario évolue lentement mais sûrement. Le personnage grave les échelons, saisit quelques opportunités et se castagne avec le gang rival.
Il faut attendre un élément perturbateur pour que le film change de ton, un peu à la Vengeance mais en plus énervé.
Globalement, le film n'est pas très subtile, à l'image de son personnage.
Et on ne lui demande pas d'être autre chose de toute façon.
Ce ton et cette ambiance fonctionnent terriblement bien et il est agréable de voir ce petit microcosme se mettre en place en sachant pertinemment que tout ça va très mal se finir. Et dans un final légendaire qui plus est...
Cependant, je dois avouer que malgré son attitude bourrine, le film possède tout de même quelques subtilité admirables.
J'adore le fait de voir peu à peu la déshumanisation de Ma au travers des yeux de la fille qu'il aime. On évite alors un romantisme gras pour quelque chose de plus tragique, de plus crève cœur.
Je trouve également géniale l'idée d'une population passive et fataliste.
Pour eux, l'escalade de Ma Yung Chen dans le milieu n'a rien d'unique, des petits nouveaux qui grimpent puis qui tombent, il y en a tous les jours.
Ce qui donne presque l'impression que ces civils sont extérieurs à l'histoire, s'occupant d'autres problèmes pendant qu'autour d'eux, les gangs se livrent à des jeux de massacre.
"On meurt tous les jours à Shanghai" disait un des méchants du film sur un ton résigné.
Une très bonne petite œuvre qui ne paye pas de mine sur la forme mais qui s'avère précurseure des Rise and Fall et des films de gangster à venir un peu partout dans le monde, des années plus tard.
On s'éloigne du romantisme et des valeurs de Chang Cheh (mise à part la relation entre Chen et Chiang) pour un spectacle moins manichéen et plus rentre dedans. Ultra prenant, agréable à suivre et surtout pas mal en avance sur son temps !
Film d'un peu plus de 2h (ce qui est rare pour un film de la Shaw de l'époque), celui ci ce construit comme une petite fresque, bien pensée et bien écrite. Loin d'être dénué de symbole sous son attitude brute et fière.