Pauvre père, qui êtes gracieux.
Dans la prestigieuse filmographie des longs métrages de Chaplin, The Kid tient une place un peu à part. De par sa valeur autobiographique, d’abord, lorsqu’on connait l’enfance du cinéaste et l’arrachement à sa mère alors qu’il avait sept ans. De par sa tonalité, par conséquence, le film occasionnant des séquences dont le pathétique est moins présent le reste du temps.
La réussite tient pourtant dans l’équilibre entre la comédie habituelle et la sentimentalité nouvelle, qui ne se jouera pas cette fois sur la traditionnelle histoire d’amour (qui, elle aussi, sait cependant générer de bien touchantes séquences, qu’on pense au réveillon solitaire du vagabond dans La ruée vers l’or) mais sur une inattendue filiation. La façon dont elle débute dit toute la malice de Chaplin pour la traiter, puisqu’elle permet une variation comique sur les moyens de se débarrasser d’un couffin dans une ville.
Film réduit dans son décor, c’est principalement dans les intérieurs et sur la place d’une ville que se déroule l’action : on y voit la cohabitation avec les voisins, et les petits arrangements avec la misère, vivier à astuces dont Chaplin a le secret. Tout le charme du film réside dans l’alchimie des deux personnages, et dans l’aisance confondante avec laquelle Coogan dédouble son père de substitution. La chorégraphie des repas, de la vie professionnelle du couple briseur/réparateur de vitres ou des combats (un match de boxe décliné chez les adultes puis les enfants) est superbe de fluidité et de complicité.
Lorsqu’il s’essaie au pathétique, Chaplin a l’intelligence de ne pas créer de rupture trop flagrante. Ainsi, le rapt de l’enfant ne se départ jamais des gags visuels qui jalonnent chaque seconde des séquences : bagarre avec les autorités, course sur les toits en alternance avec les pleurs du gamin permettent une émotion d’autant plus forte qu’elle poursuit l’attachement tendre et amusé du spectateur au personnage.
La séquence de rêve, juste avant l’épilogue, si elle occasionne de jolies trouvailles visuelles, ne s’insère que maladroitement dans le récit qui eut peut-être été trop court sans elle, mais dont on pouvait à mon sens se dispenser.
On a souvent loué la grâce infantile avec laquelle Chaplin a toujours campé son personnage, vagabond parmi les sédentaires, jeune et innocent écervelé parmi les adultes. The Kid confirme dans une certaine mesure cette assertion tant sa complicité avec l’enfant est évidente ; mais il est aussi l’occasion de faire de lui un père, conduisant son personnage vers des sphères autrement plus attachantes.
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