Il est pour moi très difficile de faire une analyse objective de ce film, tant celui-ci m'a procuré les émotions les plus fortes...
Qu'est ce qu'un bon film pour moi ? C'est un film tout d'abord honnête, qui ne cherche pas à entourlouper ses spectateurs par les derniers effets spéciaux sous couvert d'un scénar ridicule. C'est également un film recherché, avec une bande son travaillée (donc tout le contraire de Hans Zimmer) et un scénario en béton armé, qui peut amener à la réflexion.
C'est donc après avoir vu, re revu "les Temps Modernes" que je me suis attelé à ce film. Ce furent les cinquante minutes les plus marquantes de mon expérience cinématographique !
Je pars du principe qu'à partir du moment où le cinéma est devenu parlant, l'acteur faisait son job en fonction du texte et non de la situation (et surtout, les acteurs pouvaient dire de grosses conneries supposées tristes ou drôles). Toute la difficulté du muet et du burlesque est de faire rire avec des expressions faciales, des gags accélérés, de la musique figurative style piano bar (ou orchestre comme c'est le cas de ce film), de quelques lignes affichées sur fond noir...le comédien doit s'adapter et être doué techniquement pour faire son travail, ce qui est à l'opposé du cinéma actuel (à part bien sûr quelques exceptions).
Chaplin sait tout faire. Tout. Du rire franc d'Arol Lloyd à la tragédie la plus touchante, en passant par la composition (bien qu'il ne sût point écrire de la musique), la direction d'acteur, la réalisation, les acrobaties..un artiste complet. Le choix de Jackie Coogan est tellement payant, il sait tellement imiter Chaplin qu'il lui vole presque la vedette du film. Les deux acteurs sont d'une justesse parfaite, alliant tendresse, émotion et poésie. La musique est tout aussi incroyable, avec des thèmes orchestraux splendides (eh oui, à une époque, repomper sa musique dans tous ses films n'était pas possible, et mal vu...n'est-ce pas Hans ?), l'image sublime, l'histoire simple et tellement touchante (ce serait peut-être le seul point noir du film : quelques scènes sont superflues et ne font pas avancer la trame, mais à la rigueur, qu'est ce qu'on s'en moque ! un tableau de rubens trop grand, ça reste du Rubens).
C'est simple : je peux être la pierre la plus froide sur des films où tout le monde pleure d'habitude, et devenir une serpillière TOUT AU LONG de la projection du film : les larmes ne sont pas acides et tristes, mais au contraire douces, avec toujours un sourire en coin pour les accompagner. Ce sont des pleurs de joie, de peine, d'émerveillement.
En voyant ce film, je ne comprends pas l'Oscar si tardif qu'a reçu Chaplin à 80 ans, mais je comprends la standing ovation après son sacre de plusieurs dizaines de minute...un grand Monsieur, pour un très grand film. Merci.