L'histoire est assez classique, elle peut faire penser à Rocky, ou bien surtout à l'arnaqueur sorti quatre ans plus tôt ; mais avec du poker à la place de la boxe ou du billard. Steve McQueen y incarne Eric Stoner surnommé le "kid" un jeune joueur de poker talentueux s'étant bâti petit à petit une solide réputation dans plusieurs grandes villes de la côte Est des Etats-Unis alors en pleine grande dépression. Apprenant que l'une légende vivante du poker (Lancey « The Man » Howard interprété par Edward G. Robinson) se trouve actuellement tout comme lui à la Nouvelle-Orléans, il va s'arranger pour pouvoir avoir l'occasion de disputer contre lui une partie de poker aux enjeux prestigieux, en amateur de défi et chercheur d'une plus grande renommée qu’il est. Les deux hommes seront mis en relation grâce à Shooter un autre joueur de poker, ami de Stoner et réputé pour son honnêteté totale en tant que donneur de carte. Seulement, entre certaines personnes rancunières ayant tout intérêt à ce que 'the man' perde et quelques femmes tournant autour du Kid il se pourrait bien que la partie ne soit pas aussi simple qu'elle n'en ait l'air.

On l'a dit le postulat de départ de Cincinnati Kid en rappel d'autres et par certains aspects il souffre un peu de cette comparaison inévitable. Loin d'être dénué de bonnes idées sur le plan scénaristique ; sur le plan de la mise en scène en revanche, on a parfois l'impression que le réalisateur n'était pas forcément le gars le plus passionné par le poker, sujet central du film vous l'aurez compris. Le film est ainsi réalisé par Norman Jewison, venu un peu sur ce projet à la dernière minute après que le réalisateur originalement prévu - à savoir Sam Peckinpah- fut congédié par les producteurs, principalement semble-t-il car il avait insufflé au projet une dose d'érotisme non prévu dans le script. Notons d'ailleurs que le casting fut légèrement modifié à l'occasion de changement (apparemment Sharon Tate devait notamment en faire partie) et que le film, initialement prévu en noir et blanc pour coller à l'époque du récit, passa en couleur Jewison jugeant que cela profiterait aux cartes de jeu, mieux mise en valeur ainsi. Un choix judicieux à mon humble avis bien qu'on aurait pu espérer de fait que la mise en scène s'attarde davantage sur elles, ce qui n'est malheureusement réellement le cas qu'à la toute fin du film. C'est en cela que le film m'a un peu déçu, on aurait pu imaginer une mise en scène rendant la tension plus palpable entre les deux hommes dont le face à face semble inéluctable et mettant davantage en lumière l'outil de ce face à face, les cartes.

Mais sur le plan scénaristique le film est davantage pertinent bien que par certains aspects encore un peu timide. Tout d'abord, ce duel au poker gagne en intérêt par l'apport de cette sous-intrigue autour du personnage de Shooter se faisant acheter malgré son intégrité pour favoriser la victoire du Kid pendant que sa femme - interprétée par une superbe Ann Margret en femme vile; succube et séductrice - s'efforce de séduire le dit Kid, à la recherche qu'elle est d'un homme qui ne serait pas un "looser", mais le Kid en aime une autre (Christian son nom, incarnée par Tuesday Weld) ; alors il résiste tant bien que mal que ce soit par respect pour Shooter ou par amour pour sa promise. Bien qu'il ait tendance à la délaisser, aveuglé qu'il est par la gloire et la renommée d'être le plus grand joueur de poker du pays. The Man en vieux roublard rusé qu'il est lui fera d'ailleurs la remarque que dans cette discipline si on veut être le meilleur il ne faut pas trop s'attacher, ou du moins pas trop longtemps…

Car il est là le sujet central du film, d'accord le Kid est doué, c'est indubitable, même son adversaire n'a pas de honte à admettre qu'il est le meilleur joueur qu'il a rencontré en 35 ans de carrière et qu'il se pourrait bien, effectivement, qu'il soit possible qu'il le batte. Mais rien n'est moins sûr au poker, où la chance et le hasard priment avant toute autre chose. Ainsi, si parmi les autres joueurs se trouvant à la même table que le Kid et le man, l'un d'entre eux s'évertuent de noter dans son petit carnet les différentes probabilités et statistiques de chaque main, cela ne sera pas suffisant pour faire face à ces deux joueurs hors pair. Le poker semble moins se résumer à des probabilités qu'à une question de confiance, confiance en quoi ? En soit tout d'abord, mais aussi sa chance, en sa bonne étoile et en sa capacité de la sentir et de ne pas la laisser filer. Même si une combinaison n'a qu'1 possibilité sur plus de 332 milliards d'arriver - comme c'est apparemment le cas de la toute dernière main de cette partie entre les deux hommes selon des experts qui ont eu la patience de calculer - il faut y croire jusqu'au bout ou du moins faire croire à son adversaire qu'on y croit ! C'est aussi une question d'endurance et de maîtrise de soi !

The Man ne semble pas avoir tout à fait tort quand il affirme au Kid qu'il n'y a pas de place pour l'amour, dans ce genre de compétition. Mais cela constitue-t-il vraiment un sacrifice qui en vaut la chandelle ? C'est aussi la question que pose le film en laissant à sa toute fin s'en aller son héros au bras de Christian, tandis que The Man victorieux, au fond reste seul.

RangDar
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le 27 juin 2023

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