J'aime - et je soutiens autant que je peux à mon tout petit niveau - le cinéma chinois (... en tous cas tout ce qui n'est pas le cinéma "officiel" du régime, qui va de plus en plus vers la copie encore plus décérébrée des blockbusters hollywoodiens en agrémentant le tout d'une idéologie totalitariste effrayante...) depuis le début des années 90, et je me suis vu régulièrement défendre des films (que je n'avais par ailleurs que moyennement aimés...) du fait de leur audace esthétique - une caractéristique finalement assez établie du jeune cinéma asiatique dans son ensemble - ou de leur courage politique. Arrive néanmoins un moment où l'on a envie de dire "stop !" et de faire preuve sans doute d'un peu plus d'objectivité, et j'ai senti que ce moment était venu pour moi en m'ennuyant atrocement durant une bonne moitié de ce "Lac des Oies Sauvages", le nouveau film de Diao Yi'nan, qui pousse un cran plus loin (un cran trop loin ?) l'approche qui lui avait relativement bien réussi dans "Black Coal"...


Cette approche, finalement bien connue aujourd'hui, consiste à obscurcir une intrigue assez légère par une narration alambiquée et par des plans le moins explicites possibles, de caractériser un "auteurisme" qui fera du film un chouchou des festivals en décidant que les personnages seront inertes, quasiment muets et feront évidemment la tronche pendant les quasi-deux heures de "l'oeuvre" de Diao Yi'nan, et de napper le tout dans un mélange d'esthétisme sublimant la misère que l'on veut omniprésente et d'effets de mise en scène furieusement poseurs, et surtout jamais au service du récit ou des personnages. Soit, si l'on essaie d'être un tant soi peu honnête, l'inverse absolu de ce que tous (ou presque, je vous accorde quelques exceptions...) les grands réalisateurs de l'Histoire du Cinéma nous ont appris quant à l'importance d'un propos clair et fort supporté par tous les outils et toutes les techniques disponibles à leur époque.


Qui aime les thrillers (c'est mon cas, et à la folie...) sera frustré par la vaine pauvreté du scénario du "Lac des Oies Sauvages". Qui aime le cinéma social et politique (c'est encore mon cas..) ne trouvera dans le film qu'une accumulation quasi non-sensique de situations et de circonstances ramenant le peuple chinois à une sorte d'abjection morale et physique quasi primitive, sans nul point de vue politique (justement), moral ou simplement humain. Qui aime le cinéma du mal-être existentiel (c'est encore mon cas, et je tiens par exemple Antonioni, une référence assez évidente pour tout un pan du cinéma asiatique, pour l'un des plus grands auteurs qui soient...) verra dans "le Lac des Oies Sauvages" une accumulation de poses, sans que jamais aucune vérité sur l'être humain ne puisse surgir. Qui aime le cinéma qui invente une nouvelle grammaire, voire une nouvelle syntaxe (c'est toujours mon cas, et je place Godard, Wong Kar-Wai, Kiarostami ou Apichatpong Weerasethakul au plus haut de mon palmarès personnel...) sera frustré devant l'épanchement des effets visuels, du cadrage comme du montage du film, qui cherchent avec une gratuité impudente la sidération du spectateur, voire, pire encore, l'effet de signature.


Alors oui, j'ai eu envie de danser avec des baskets fluo sur Boney M (en faisant la gueule, quand même, bien entendu !), et je me souviendrai du regard du tigre. Adepte du deux roues, j'ai aussi appris que je dois faire attention la nuit pour ne pas me faire décapiter par un obstacle tendu à la sortie d'un tunnel, ce qui me sauvera peut-être la vie un jour...


... Je ne trouve simplement pas cela vraiment suffisant pour crier au chef d'oeuvre comme la critique le fait à propos de ce film...


[Critique écrite en 2019]

EricDebarnot
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le 28 déc. 2019

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Eric BBYoda

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