Honnêtement j'appréhendais mal ce film. Le sujet provocateur du film ne m'a jamais trop attiré et m'a fait désintéressé de le regarder. Son statut culte ne m'a jamais trop donné envie de le voir malgré sa réputation. Je m'attendais à un film moralisateur avec une mise en scène surestimé comme il en existe beaucoup aux Etats-Unis. C'est en faisant un marathon des films avec Dustin Hoffman, un de mes acteurs US préférés, qui a réussi à me motiver à le regarder. Et je me suis trompé, même si Le Lauréat n'est pas parfait et parfois moralement douteux (pas forcément pour ce que vous pensez), il a quand même pas mal de qualités: intelligent dans son propos, une mise en scène étudiée ainsi que des bons acteurs. Je préviens cependant, je vais dévoiler quelques brides de l'intrigue du film pour l'analyse sans trop en dévoiler. Pour ceux qui n'ont pas vu le film, si ça peut vous rassurez, j'avais vu la dernière scène en cours et ça ne m'a pas empêché d'apprécier le film. Bon, commençons.

Rien qu'avec le début du film, on ressent l'intelligence du film et son cadrage minutieux. On voit Benjamin Braddock joué par Dustin Hoffman arrivé en avion. 21 ans, plongé dans ses études, la mise en scène et le cadrage nous montre qu'il se sent enfermé et qu'il est dans sa bulle. En effet, quand il arrive chez lui pour la célébration de ses diplômes, ce dernier est filmé avec un cadrage resserré sur lui et l'on voit des gens s'approcher de lui mais restent extérieur au cadre. On voit qu'il est mal à l'aise avec son environnement, qu'il n'a pas confiance en lui, aussi qu'il se sent enfermé dans son statut social à donner de lui une image bien lisse pour plaire ainsi à cette Amérique puritaine (j'y reviens après). Une scène est très symbolique où on voit un plan où on voit son visage regarder dans un aquarium, ça montre qu'il est comme ce poisson. Il tourne en rond dans sa vie et ne sait pas quoi faire de celle-ci.

L'élément perturbateur va être cette femme mariée Madame Robinson jouée par Anne Bancroft qui va le dépuceler. Elle va l'invité chez lui, on voit que Benjamin est très mal à l'aise et qu'il est maladroit. On le voit à sa façon d'être dominé par Madame Robinson et le lieu. Il est son pion. Elle va lui tendre un piège et lui dire et lui dire dans quelles pièces il doit y aler. On est en face d'un 'foreshadowing', il n'est qu'un esclave sexuel où elle peut en faire ce qu'elle veut jusqu'à lui tendre des pièges. Cela est montré quand elle arrive dans la chambre nue et ferme à clef. Cela annonce déjà les nombreux pièges qu'elle va faire pour l'empêcher de sortir avec sa fille. La mise en scène ne cesse de montrer la domination de Madame Robinson sur Benjamin comme le plan très célèbre où l'on voit sa jambe en gros plan et Benjamin en petit derrière qui est très représentatif de ce que j'ai dit. Il est l'esclave de ses pulsions et il ne peut pas en sortir. Ensuite, les plans où on les voit ensemble sont cadrés comme s'ils étaient enfermés dans le cadre. Le motif de l'enfermement revient très fréquemment dans le film comme la scène où Benjamin se retrouve dans le Zoo. On voit deux singes ensemble prisonniers et ensuite un gorille seul enfermé dans une cage. Cela peut représenter comment se sent Benjamin à ce moment, il est en cage que ce soit avec Madame Robinson où quand il est seul.

Ce sera uniquement quand Benjamin va rencontrer Elaine Robinson jouée par la belle Katharine Ross qu'il va enfin ne plus se sentir emprisonné. Les cadres sont moins resserrés quand ils sont à deux, et l'on voit des champ contre champ sur les deux personnages pour montrer que leur relation est bien plus sincère que celle entre Benjamin et Madame Robinson. On le voit plus dominer l'espace avec des travelling qui suit les deux personnages, comme la scène où ils vont à l'hôtel. On voit bien que c'est avec elle que Benjamin se sent vraiment à l'aise et qu'il aime vraiment. Même pour la retrouver plus tard, à son université, on le voit s'accaparer l'espace sans être le bienvenu ou même aller jusqu'à sa recherche pour le mariage.

Et la scène clé du film est selon moi la fin. C'est où la morale du film est clairement explicitée. Après que les Robinson ont précipité le mariage d'Elaine pour un autre homme. Benjamin trouve l'église pour ainsi empêcher ce mariage. Là, le message est clair quand Benjamin brandit la croix devant eux pour s'enfuir de l'église. Ils doivent sortir de cette Amérique puritaine pour enfin vivre leur amour comme ils le souhaitent. C'est en sortant de cette église que les deux jeunes amoureux sont enfin libres. Puis c'est avec une touche d'humour qu'on voit le couple avec Elaine habillée en mariée, ignorer le regard des autres pour enfin aller de l'avant. C'est avec cette scène cruciale que le film délivre son message, il invite la jeunesse à sortir des mœurs et de ce puritanisme pour enfin vivre librement et non sous contrainte et faux-semblants. Mais surtout, le film invite les jeunes réalisateurs à sortir du code Hays pour oser prendre des sujets plus osés et sulfureux pour un cinéma plus libre et artistique. Puis notons, le travail sur le son qui est remarquable, quand Benjamin crie dans l'église pour stopper le mariage, l'on a des gros plans sur les visages des autres pour empêcher la décision d'Elaine. Mais les seuls voix qu'on entend sont celles de Benjamin puis celle d'Elaine. L'Amérique puritaine est vu comme une horde de monstres.

On a beaucoup parlé de mise en scène, mais les acteurs sont convaincants et la plupart des personnages crédibles. Dustin Hoffmann est très bon pour le rôle du jeune étudiant timide et naïf puis vaillant. Anne Bancroft arrive à rendre séduisant puis inquiétant et détestable son personnage en lui donnant beaucoup d'ambiguïté. Mais mon coup de cœur va chez Katharine Ross, dont j'avais peur, mais arrive à être attachante grâce à son jeu d'actrice. Rien que la scène au club de strip-tease quand elle a pleuré à réussi à m'émouvoir et avoir de l'empathie pour le personnage. Honnêtement, c'est grâce à l'actrice que j'ai réussi à apprécier le personnage car son écriture est assez banale et est un peu cliché. C'est aussi le jeu d'acteur de Dustin Hoffman, car on ressent une réelle alchimie entre les deux acteurs.

Quant aux défauts du film, je trouve qu'il y a quelques facilités scénaristiques comme le fait qu'il arrive à trouver l'université où Elaine habite, on ne sait comment. Le traitement d'Elaine est assez lisse. Le déroulement final est un peu cliché, il doit retrouver sa copine qui lui fait la gueule, il doit ainsi montrer qu'il l'aime. Les scènes de sexe, même si bien mises en scène, ne sont pas assez explicites. Je pense que si on avait plus montrer, le film aurait pu aller plus loin dans la subversion. Et un des plus gros défauts du film, c'est qu'on fait passer Monsieur Robinson pour un des méchants du film et on n'essaye jamais de se mettre à sa place, alors que sa femme l'a trompé avec le fils d'un de ses amis. Je ne dis pas qu'il faut condamner ce qu'a fait Benjamin mais essayer de se mettre à sa place aurait été plus intéressant.

En conclusion, même si Le Lauréat n'est pas un chef d'œuvre et possède des défauts, il reste un film important pour le cinéma américain que ce soit pour sa mise en scène inventive, son cadrage quadrillée, le jeu des acteurs, son sujet sulfureux et sa morale bien représentative d'une nouvelle époque qui se mettait en place. Il se peut qu'en le revoyant, j'ai un avis plus pertinent, j'écris cette critique à chaud. Pour mes amis mélomanes j'hésite à faire une critique de Fun House de The Stooges. Si je l'a fait ce sera ma première critique pour un album. À bientôt !

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le 25 juin 2024

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5 j'aime

Lyam_80

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