La bouillie de la jungle

A la première bande-annonce de ce film, j'ai tiqué (comme beaucoup) sur le fait que Kaa était interprété par une femme alors que dans l'œuvre originale et dans la version animée Disney, le serpent était clairement un mâle. En fait, il s'avère que c'est un point de détail qui passe crème au visionnage du film (en plus, la scène où Kaa envoûte Mowgli est top).

Pourquoi ça passe tout seul ? Parce que le reste, malheureusement, se rapproche beaucoup de la catastrophe. Déjà, le jeune acteur qui interprète Mowgli joue comme un plat à tarte. Il faut dire pour sa défense qu'il est absolument seul au monde dans cet univers entièrement numérique. A son âge, ça ne doit pas être évident de se retrouver cerné d'écrans verts avec une balle de tennis pour tout interlocuteur.

Car oui, l'ensemble de ce film n'existe pas. Aucun animal n'a mis une patte aux studios et aucune plante verte n'a effleuré la joue de ce bambin au jeu ignoble. Pire, l'animation est tout simplement immonde. Il est même très difficile de se dire que ce film est sorti en 2016 quand on sait ce qu'on peut maintenant faire avec des images de synthèse (et alors qu'on est dans un univers qui se veut réaliste). J'ai eu l'impression d'être retourné vingt piges en arrière à l'époque d'Xcalibur ou du premier opus de l'Age de Glace, avec ces créatures qui ont un souci de motricité, un souci de fluidité dans le mouvement qui pique les yeux. Sauf qu'en plus, les pelages sont moches.

D'ailleurs, j'ai eu beaucoup de mal avec Shere Khan que je voyais comme un tigre plutôt majestueux, doté d'un charisme de ouf et d'une aura de méchanceté à se recroqueviller dans son fauteuil (il est quand même censé faire régner la terreur dans cette partie-là de la jungle). Et là, on a un vieux fauve tout miteux, à moitié pelé et avec deux cicatrices sur la face qui déboule en pleine trêve de l'eau après plusieurs années d'absence (pourquoi ? On ne saura jamais). Super... on ne peut pas dire que ce soit la frousse ou l'admiration qui ait dominé mes sentiments à cet instant, mais plutôt la déception. Une grande déception.

Certains se sont plaints de la disparition des chansons. Je dirais que c'est un moindre mal vu que les quelques unes qui survivent à l'œuvre animée sont atrocement piétinées par le nouveau casting. La seule qui sort grandie de cette expérience, c'est celle de Kaa... que l'on entend dans le générique de fin (il faut quand même attendre 1h46 pour avoir quelque chose de sympathique à se mettre sous l'oreille... c'est long). Entre King Louïe qui ne chante pas un rythme avec la musique et Baloo et Mowgli qui rendent un chant entraînant soporifique, on repassera niveau chansons.

Vous devez alors sûrement vous demander pourquoi une note aussi "élevée" ? Eh bien, tout simplement parce que Disney a pris tout de même le parti d'adopter un ton plus proche du matériel d'origine plutôt que de faire un bête copier-coller de son dessin animé. Alors, c'est pas aussi cruel que ce que Kipling a écrit (dans mes souvenirs, Shere Khan finissait piétiné par des buffles...), mais il y a clairement deux/trois passages qu'on n'aurait jamais vus dans le dessin animé.

Alors, c'est peu, mais ça suffit à sauver le film du naufrage complet.