Truuusssst in me

Une adaptation live plutôt réussie. L’histoire reprend principalement la trame du dessin-animé, on y retrouve les principales scènes iconiques avec cependant quelques changement ici et là. Le rôle des éléphants, plus présentés ici comme une sorte de divinité vivante de la jungle, agissant en dehors de tout conflit. Ça leur donne un aspect un peu mystique est mythologique, ce qui renforce déjà l’approche du film qui fait plusieurs fois appel à ce genre d’éléments (la fleur rouge, le rocher de la paix, la loi de la jungle…). Cela participe à créer un univers autour de l’histoire, à l’ancrer dans une autre réalité et à contribuer à l’aspect fantastique (le genre) de cette histoire.

Un autre changement notable, et pas des moindres, sera cette approche plus sombre et même plus terrifiante que le dessin-animé. Je pense notamment au personnage de Shere Khan qui passe du méchant guindé à un pur psychopathe. La force de ce personnage dans le dessin-animé était de faire sentir sa menace tout le long du film sans qu’on ne le voit. Ici, le film prend le parti de nous le montrer très tôt dans l’intrigue, ce qui m’a au départ un peu déçu. Cependant, le personnage a été modifié en conséquence pour pouvoir rester dans ce panthéon des grands méchants Disney.

Et cette modification n’est pas des moindres car, basiquement, Shere Khan est ici une adaptation ni plus ni moins de Scar, limite du plagiat. Impossible de ne pas faire le rapprochement (surtout quand on adore Scar autant que moi). Ce n’est pas forcément mal en soit, puisque ça permet justement d’avoir un méchant qui fonctionne dans l’intrigue ; mais bon, les fans du personnage original pourraient être déçus de cette entorse.

Autre modification, c’est l’importance donnée aux loups, qui ont ici un véritable rôle et constituent une clé de l’intrigue (alors qu’on oublierait presque que Mowgli a été élevé par eux dans le dessin animé). C’est plutôt bien vu et bien mené. On a aussi quelques différences dans la rencontre avec Balou ou le Roi Louie, Kaa a un rôle bien plus discret (à mon grand regret). En revanche, Baghera est toujours bien là et toujours aussi génial !

Globalement, c’est une adaptation légèrement plus sombre et plus terrifiante que le dessin-animé ; mais ça reste une bonne adaptation, on retrouve l’histoire et les personnages, ainsi que de nouveaux qui se révèleront amusant.

Sur le casting, le film aligne de grands noms, et le moins que l’on puisse dire c’est que ce casting vocal est fantastique. Ayant vu le film en VO, je sens déjà que j’aurais du mal avec la VF alors que ça reste du doublage. Mais là… Ben Kinglsey est sublime en Baghera, dans un registre qu’il maîtrise parfaitement et qui fait pleinement honneur au personnage. Bill Murray en Balou est hilarant et possède les meilleures répliques. Christopher Walken en Roi Louie est bluffant (le voir pousser la chansonnette… rien que pour ça, la VO mérite qu’on s’y arrête).

Convaincu aussi par Lupita Nyong’o et Giancarlo Esposito dans les rôles d’Akela et Raksha. Les louvetaux sont rigolos aussi. Je l’attendais avec impatience et je n’ai pas été déçu par Scarlett Johansson en Kaa, à l’exception que son rôle est trop court. Elle prouve une fois de plus qu’elle n’est jamais aussi bonne que lorsqu’elle double (et sa version de Trust in me… oh my JW… _). Mais ne nous voilons pas la face, l’énorme coup de cœur de ce casting, c’est bien sûr l’immense Idris Elba qui interprète un Shere Khan fantastique, dans un rôle comme on l’adore, faisant enfin hommage à son talent. J’ai enfin retrouvé Stringer, pour mon plus grand plaisir.

Je vais également m’attarder sur le tout jeune Neel Sethi, qui se trouve là dans son premier rôle. Et je dois avouer que je l’ai trouvé bluffant. On retrouve assez rapidement le personnage de Mowgli du dessin-animé. Plus bavard également, ce jeune garçon est surtout incroyable dans sa façon de pouvoir tenir l’écran et les dialogues avec des personnages en images de synthèse. On retrouve aussi le naturel classique de l’enfance, ce qui contribue fortement à faire passer les émotions. Ce n’est pas une prestation extraordinaire, mais c’est une très bonne prestation pour un enfant (surtout dans un rôle aussi difficile : je le redis, il est physiquement le seul personnage de chacune de ses scènes !). On ne peut souligner ici que le travail admirable de Jon Favrau pour diriger ce jeune acteur.

Techniquement… Il y a beaucoup de chose à dire sur ce film, mais également pas tant que ça car la bande-annonce avait déjà annoncé la couleur.

Je vais commencer par la musique, qui est le point sur lequel j’ai été le plus mitigé. La partie purement musicale de John Debney est purement géniale, un véritable régal qui n’oublie pas de temps à autre à faire écho à la BO de George Bruns. Je pense au plan d’intro, véritable hommage, mais également ces quelques versions symphoniques des chansons si connues qui posent le décor et jalonnent le film telle des balises pour le découpage des différentes scènes.

On a également droit à quelques musiques originales, qui s’insèrent très bien dans l’ensemble. Le générique nous donne également droit à quelques réorchestrations des musiques les plus iconiques (comme je le disais, déjà fan absolu de Trust in me), qui sont de très bonnes factures. Là où je suis mitigé, c’est dans l’utilisation de ces mêmes chansons dans le film lui-même.

Autant I wanna be like you est surprenante pour Walken qui pousse la chansonnette, mais son insertion est très maladroite et au final la mise en scène plutôt décevante si on compare au dessin-animé. Et grosse déception aussi pour The Bare Necessities, qui vient presque comme un cheveu sur la soupe, forcé parce qu’on ne pouvait pas faire un film sans cette chanson. Bill Murray est un excellent doubleur mais piètre chanteur, et si y’a bien un point où Neel Sathi ne devra pas persévérer, c’est bien la chanson. Cette séquence sonne trop artificiel et ne réussit pas à recréer véritablement l’alchimie de celle que nous avons tous en mémoire. C’est le problème avec les chansons iconiques de Disney.

Concernant la mise en scène de Favrau, c’est dans l’ensemble très classique. Beaucoup de plans et de séquences font hommage au dessin animé, mais dans l’ensemble ça reste très proche du cahier des charges pour un film du genre. Ce n’est pas par la mise en scène que le film nous bluffe réellement. Non.

Si le film nous bluffe, c’est bien par son incroyable rendu visuel, aussi bien pour les décors, les effets spéciaux que les créatures. En rendu global, c’est la plus grosse baffe visuelle depuis Gravity. Dans le genre, c’est même la plus grosse depuis Avatar. Un rendu bien supérieur à la trilogie du Hobbit par exemple (et c’est pour cela que même si je l’ai vu en 2D sur écran normal, je ne peux que vous conseiller un écran IMAX si vous y avez accès).

Les effets spéciaux et les décors de la jungle sont d’un réalisme saisissant, bluffant, si bien qu’il est toujours très difficile de distinguer le vrai du faux (enfin, décors solide j’entends, parce que le générique détruira le rêve en précisant bien que tout a été film « Downton Los Angeles »). Les flammes sont sublimes, les arbres et la jungle foisonnante et d’une grande crédibilité tout comme l’eau, la boue, la terre… Incroyable.

Mais le plus bluffant, le plus incroyable, le plus scotchant, ce sont les animaux. En terme de créatures numériques, je n’ai jamais rien vu de tel, mis à part pour L’Odyssée de Pi, et encore le rendu ici est encore plus incroyable dans le sens où les animaux ne sont absolument pas humanisées visuellement (contrairement à Richard Parker dans Pi qui avait parfois des expressions très humaines) et sont globalement encore plus crédibles.

C’est ce qui renforce grandement l’aspect terrifiant de ce film, car Kaa et Shere Khan ne sont plus simplement méchants, ils sont réellement terrifiants, voire carrément flippant. Au point de pouvoir faire peur aux plus jeunes. Si vous rajoutez à cela l’aspect psychopathe de Khan… Je disais qu’il était difficile de distinguer le vrai du faux concernant les décors ; c’est pratiquement impossible pour les animaux ! On se fait même piéger plusieurs fois alors qu’on SAIT que tout est numérique. Le rendu dans l’animation, les poils… c’est un travail extraordinaire. Le meilleur du genre que je n’ai jamais vu.

Au final, Jon Favrau nous livre sa version du Livre de la jungle, et ce qu’on retiendra, c’est que c’est la version d’un fan, la concrétisation d’un rêve de gosse. Le tout adapté au public actuel, s’adressant à la fois aux petits comme aux grands, piochant quelques idées ailleurs pour les incorporer. C’est vraiment efficace et captivant. Comme je le disais, à part les chansons dans le film, il n’y a pas vraiment de points rédhibitoires, à part peut-être la conclusion un peu trop facile et un film qui aurait gagné à avoir 10-15 minutes de plus afin d’aller plus en profondeur dans certains points (et avoir un peu plus de Kaa). Néanmoins, le film mérite le détour ne serait-ce que pour la claque visuel qu’on se prend.