J'ai longtemps admiré la carrière de Michel Gondry quand il s'agissait de formats courts. Ses nombreux clips, ses pubs, dévoilaient un esprit singulier doublé d'un technicien exigeant. Il posait sur tout ce qu'il touchait une patte inimitable.
Quand ensuite il passe au long métrage, même si je retrouve par moments ce plaisir esthétique, la somme cumulée de ses fulgurances ne constitue pas un film... Si Eternal Sunshine of the Spotless Mind et surtout Human Nature pouvaient encore faire illusion, très vite ça coince... Pas de structure, pas de soucis de conter quelque chose de plus grand ou de plus dense... Ses films longs ne visent qu'à accumuler de belles petites idées.
On pourrait s'arrêter là et apprécier, mais très vite on se retrouve face à des films résolument ratés, comme Green Hornet ou L'Écume des Jours... Même son segment de Tokyo !, pourtant plus court, était sans aucun interêt...
Le voilà donc reparti pour un tour avec Le Livre des Solutions, un manifeste vindicatif où il va mettre en relief les affres de la création et ses propres atermoiements. À travers le personnage de Pierre Niney, un réalisateur aussi angoissé qu'exécrable, il règle ses comptes avec le système, les producteurs, les techniciens incompétents et tous ceux qui ne comprennent rien à son art...
En fait, ce livre de solutions, c’est son Mein Kampf !
Le film entend décortiquer un processus créatif alternatif, sauf que le personnage du film n’a aucun talent : il fait de la merde en amateur, mais il y croit à fond, en son talent. Alors qu'en réalité il vampirise celui de ses collaborateurs pour réussir à faire deux-trois trucs et ensuite s’attribue tout le mérite…
Même quand des choses surprenantes vont dans son sens ( l'orchestre, Sting... ) il refuse obstinément de voir le gros coup de chance dont il a bénéficié.
Ça en fait un personnage résolument antipathique, qu'on a envie de secouer comme un prunier ou de lui administrer une cinquantaine de baffes, façon Obélix... Et on est tenu de le suivre dans ses pérégrinations et pire, de tomber d'accord avec ses méthodes !
On pourrait croire à une auto-critique, ou une forme de mea culpa ( le tournage de l’Écume des Jours s’est mal passé en raison de divergences créatives et de procédés de fabrication entre l’équipe de Gondry et les techniciens de la prod… ) mais en définitive pas vraiment.
Son héros reste un héros et à la fin il est récompensé ( tout le monde aime son film, une meuf sur laquelle il flashait tombe miraculeusement amoureuse de lui et vient faire la vaisselle dans son appartement par surprise, etc… )
Son dénouement étant aussi fake que son déroulement, Le Livre des Solutions est d'une malhonnêteté intellectuelle sans précédent. Et si bel et bien le public est juge, alors les longs métrages de Michel, en ce qui me concerne, c'est terminé !